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Article 26 :

Ce que mijotent les ONG

Les participants au groupe «agriculture» ont profité du mois d’août pour préciser leurs positions. Et lancer ainsi les débats sur l’évolution des modes de production.

«Quelle agriculture voulons-nous dans vingt ans?» Tel était le devoir de vacances des participants au groupe «agriculture» du Grenelle de l’environnement. Après les deux premières réunions, en juillet, et quelques difficultés d’organisation, les différentes organisations ont mis à profit le mois d’août pour préciser leurs propositions. Celles-ci alimenteront les réunions qui reprennent la semaine prochaine et les débats porteront dorénavant sur des mesures concrètes. Le climat des discussions, jugé serein jusqu’à présent, risque d’être plus tendu.

Qu’est ce qui pourrait changer pour l’agriculture? Difficile pour l’instant de répondre à cette question tant les propositions fusent et même si quelques pistes commencent à émerger. Ce qui est sûr, c’est que les ONG environnementales sont à lamanoeuvre avec une imagination particulièrement fertile. France nature environnement (FNE), la Fondation Nicolas Hulot (FNH) et l’Alliance pour la planète, devaient se réunir le 31 août pour définir une plate-forme commune et peser encore plus.

Plusieurs propositions visent à encourager la consommation de produits de qualitédans la restauration collective, à promouvoir les circuits courts et la saisonnalité ou encore à développer l’agriculture biologique. Mais comment y parvenir? «Il faut transférer les aides du premier pilier de la Pac au profit des agriculteurs qui s’engagent à vendre desproduits de qualité et de proximité à la restauration collective», indique Jean-Jacques Blanchon, de la Fondation Nicolas Hulot. Pour protéger les ateliers artisanaux de transformation(abattoirs, fromageries ou laiteries de proximité), André Bouchut, de la Confédération paysanne, tout comme Alliance, préconise que les normes sanitaires industrielles ne leur soient pas applicables.

 

Promouvoir l'agriculture biologique

L’objectif de 10% de la SAU en agriculture biologique d’ici à 2013 est avancé. «Il faudrait atteindre 30% de SAU en bio en 2020 et 100% d’agriculture durable en 2030, surenchérit Bernard Cressens, de WWF-France (membre d’Alliance). L’agriculture à haute productivité industrielle ne doit pas bénéficier du soutien des contribuables. La réorientation des aides Pac est un formidable levier pour aboutir à un nouveau contrat social et environnemental.» Pour enrayer le déclin de la biodiversité, FNE propose carrément que 10% de la SAU soient dédiés à la biodiversité. Dans ces conditions, comment réussit-on à satisfaire une demande alimentaire accrue? «Nous sommes dans une démarche agricole de production d’aliments, répond Jean-Claude Bevillard, de FNE. Mais nous soutenons une agriculture durable qui peut se reproduire dans le temps.»

Les participants discutent aussi sur le développement généralisé d’une logique de certification des exploitations. FNE, mais aussi l’APCA (chambres d’agriculture) veulent promouvoir un label de «haute qualité environnementale». Il reste à trouver des points de concordance sur les critères de durabilité à retenir. Pour les associations écologistes, il faut «un vrai volet environnemental». Pour Jean-Bernard Bayard de la FNSEA, la certification doit faciliter l’accès au marché: «On centre sur l’environnement, mais il faut prendre en compte l’économique et le social et intégrer la dimension européenne.» «La certification n’apporte rien, estime

au contraire François Lucas, de la Coordination rurale, qui se dit très inquiet de la tournure des événements. C’est une façon pour les ONG demettre la main sur le système de production.»

Un débat passionné risque de s’engager sur ce qui touche à l’évolution des modes de production agricole. Ainsi, FNE fixe l’objectif de diviser par deux la quantité de pesticides en cinq ans, notamment en instaurant un «permis de traiter» pour tous les utilisateurs de pesticides.

 

La loi sur l'eau en ligne de mire

La loi sur l’eau votée en décembre 2006 est déjà dans la ligne de mire. «L’acte fondateur d’une véritable politique agricole de l’eau consiste àmodifier la loi sur l’eau», affirme l’UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs veut instituer une «aquataxe» sur les pesticides, les nitrates et la consommation d’eau dont le produit serait reversé aux agriculteurs pour «les aider à changer leurs pratiques dans le domaine de l’eau». Quant au ministère de l’Ecologie, il propose de créer une redevance «azote », d’expérimenter la mise en place de quotas d’azote dans les zones en excédent, d’augmenter la redevance «pollution diffuse» (ex-TGAP phytos) ou encore de recourir à la «désirrigation» ou aux réserves pour préserver la ressource en eau. Il va donc plus loin que FNE qui ne propose qu’une redevance sur les excédents azotés mais cette dernière veut en revanche instaurer une redevance sur le phosphore d’origine agricole.

Jean-Jacques Blanchon, de la Fondation Nicolas Hulot, partage cette focalisation. Il estime que «la loi sur l’eau n’a pas été au bout de la logique et qu’on ne peut plus exempter la production agricole de sa responsabilité». En contrepartie, la Fondation Nicolas Hulot veut promouvoir la rémunération des services écologiques. «Nous voulons un changement des comportements par les prix et non plus par des normes administratives», affirme Jean-JacquesBlanchon. Certains sujets n’ont pas encore été discutés: formation, éducation, recherche et... OGM. Cette dernière question est reportée au 10 septembre à l’occasion d’une réunion regroupant plusieurs groupes (agriculture, biodiversité et santé). En parallèle du Grenelle de l’environnement, les «Assises de l’agriculture» débuteront la semaine prochaine. On peut s’attendre à ce que les réflexions du Grenelle alimentent ces assises qui traiteront du bilan de la Pac en 2008.

 

 

OGM: Jean-Louis Borloo promet une loi

«Le feuilleton de l’été» sur les OGM continue. Le 23 août, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, a annoncé que le Grenelle de l’environnement allait permettre de préparer une loi réglementant les cultures transgéniques. «On est dans une situation qui est complètement hypocrite en France, on n’a pas osé faire de loi pour transcrire la directive européenne, on a fait un décret. On va faire une loi», a-t-il déclaré. Quelques jours plus tard, il a indiqué qu’il mettrait en place une «haute autorité» vis-à-vis des OGM, qu’il souhaite «indiscutable». Les débats, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, devraient permettre de préparer cette future loi. Mais cette volonté ne suffit pas à calmer les tensions. Biogemma a annoncé le 24 août qu’elle portera plainte contre la destruction d’une de ses parcelles d’expérimentation OGM dans le Gers. Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, et Valérie Pécresse, ministre de la Recherche, ont condamné ces actions et ont rappelé que le Grenelle sera « le lieu d’une concertation démocratique et républicaine sur le sujet des OGM.»

En parallèle, les manifestations des anti- et des pro-OGM se poursuivent. Samedi 25 août, 200 agriculteurs favorables aux cultures transgéniques se sont réunis à Verdun-sur-Garonne (Tarn-et-Garonne) en marge d’un rassemblement du collectif des Faucheurs volontaires dans cette même commune. François Martinet, président de Jeunes Agriculteurs de Tarn-et-Garonne, a estimé que si la loi en préparation «doit apporter plus de clarifications et de simplification, nous sommes d’accord. Cela permettra de calmer les esprits d’un côté comme de l’autre.» (Florence Mélix)

 

Les dates à retenir

6 juillet: lancement officiel par Jean-Louis Borloo

Juillet et septembre: réunions des six groupes de travail (climat et énergie, biodiversité, environnement et santé, agriculture, démocratie écologique et économie)

Fin de septembre: publication des propositions des groupes

Du 1er au 15 octobre: consultation publique sur internet et en régions

Fin d'octobre: table ronde pour retenir 15 à 20 mesures

par Aurore Coeuru

(publié le 31 août 2007)

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