«Les négociations ont échoué», a admis Pascal Lamy, le directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mardi soir, après neuf jours de débats très tendus, au siège de l’institution à Genève. Dès leur ouverture, le 21 juillet, Européens et Américains avaient pourtant fait des concessions sur les droits de douane et les subventions agricoles. Pendant le week-end, un nouveau projet de compromis, qui proposait des baisses des subventions de 80% pour l’Europe, 70% pour les Etats-Unis et le Japon, et de 50 à 60% pour les autres pays développés, laissait espérer un accord rapide. Mais le 29 juillet, les débats ont achoppé entre les Etats-Unis et l’Inde sur les importations agricoles, et plus spécialement sur l’établissement d’un mécanisme de sauvegarde, permettant aux pays en développement d’appliquer des tarifs douaniers particuliers face à une trop forte hausse des importations ou à une baisse excessive des prix, afin de protéger leurs propres producteurs.
Nord et Sud se renvoient la balle
New Delhi, rejointe par les pays du G33 (pays en développement très dépendants de quelques produits agricoles), souhaitait que le seuil de déclenchement soit placé assez bas. Washington s’y opposait, estimant que le mécanisme pourrait dans ce cas devenir un outil protectionniste. L’analyse asiatique est différente: «Les Etats-Unis ne pouvaient pas se permettre de lâcher du terrain sur le coton et ne voulaient même pas en discuter. En tenant bon sur la clause de sauvegarde, ils savaient que l’Inde ne lâcherait pas non plus et porterait la responsabilité de l’échec.»
«On est arrivé à une impasse», conclut-on de source proche des négociations.
Pour Peter Mandelson, le négociateur pour l’Europe, «l’échec est collectif», tempère-t-il (voir l’encadré). Des divergences importantes persistaient sur l’industrie. Les pays riches attendaient de la part des pays émergents des «offres réciproques». Les pays du Nord demandaient l’ouverture des frontières des pays du Sud aux produits industriels, que l’Europe, en particulier, jugeait trop timide. «Les grands pays émergents n’ont pas fait les efforts nécessaires», dénonce Michel Barnier, le ministre français de l’Agriculture.
Les 153 membres de l’OMC ont «besoin de revoir les choses très calmement, pour voir comment rassembler les morceaux», estime Pascal Lamy. Mais la plupart des pays sont sceptiques quant à la possibilité de conclure ces négociations cette année. Entamées en 2001 à Doha (Qatar), les négociations sur la libéralisation du commerce mondial auraient dû en principe s’achever à la fin de 2004.
La France en tête d’un club de résistants Les négociations de Genève ont également permis de mettre à jour d’importantes divisions au sein de l’Union européenne (UE). Il revenait au commissaire européen chargé du commerce, Peter Mandelson, de négocier au nom des vingt-sept pays de l’UE, mais plusieurs d’entre eux n’ont pas hésité à annoncer, alors même que se déroulaient les négociations, qu’ils ne se ralliaient pas aux grandes lignes de l’accord en discussion. A la tête de ce camp, figurait la France, qui assure la présidence de l’UE depuis un mois. Un «club des volontaires» s’était même constitué lundi, avec l’Italie, l’Irlande, la Pologne, la Hongrie, la Grèce, le Portugal, la Lituanie et Chypre, dans le but de faire pression sur Peter Mandelson. |
par Arielle Delest (publié le 30 juillet 2008)
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