Après une semaine de tractations, les 147 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont parvenus, en pleine nuit du 31 juillet au 1er août, à se mettre d’accord sur un cadre général de relance des négociations sur la libéralisation du commerce mondial. Oublié l’échec de Cancún (Mexique) en septembre dernier, mais rien n’est acquis pour autant. Le détail des chiffres et des calendriers d’application dépendra des discussions à venir. Prochaine échéance en décembre 2005, avec une conférence à Hong-Kong.
Le volet agricole de l’accord est sensé donner aux produits agricoles des pays en développement de meilleures chances face aux pays développés. Le Brésil a même parlé de «début de la fin des subventions agricoles». En échange de ces concessions agricoles, les pays développés ont obtenu des pays en développement un meilleur accès à leurs marchés industriels et des services.
Suppression des subventions à l’exportation
L’accord pose le principe, à une date non déterminée, d’une élimination progressive des aides à l’exportation. Le texte vise en premier lieu les subventions à l’exportation européennes que Bruxelles avait mises sur la table en mai. D’ici vraisemblablement à 2015 ou 2017, les quelque 2,5 milliards d’euros annuels alloués au titre des restitutions sont appelés à disparaître. Ce qui pose certaines questions aux secteurs bénéficiaires: sucre, poudre de lait et beurre, viande bovine, céréales et ponctuellement productions avicoles et viande porcine qui ne bénéficient par ailleurs d’aucune mesure de soutien.
Le texte acte aussi, mais de façon plus conditionnelle, la suppression des crédits américains à l’exportation à plus de six mois (environ 3,5 milliards d’euros annuels). Les Etats-Unis sont également invités à discipliner leur aide alimentaire qui sert souvent à se débarrasser de surplus. Le texte vise par ailleurs les «pratiques ayant des effets de distorsion des échanges» des entreprises publiques qui exercent un quasi-monopole à l’exportation. Sont visés les «boards» laitiers ou céréaliers australiens, néo-zélandais ou canadiens.
Limitation des droits de douanes
En matière d’ouverture des marchés, l’accord prévoit une baisse des droits de douane, avec des réductions plus fortes pour les tarifs douaniers les plus élevés. En contrepartie, les pays développés pourront garder des droits de douane élevés pour protéger leurs «produits sensibles». Ce système intéresse tout particulièrement l’Union européenne où il pourrait concerner le lait ou les viandes. La liste des produits reste à négocier.
Les pays membres de l’OMC s’engagent à faire des efforts sur les soutiens qui dérangent le plus le fonctionnement des marchés. Cette diminution des aides directes ne concerne pas les producteurs européens. L’accord colle en effet aux critères définis par la dernière réforme de la Pac. Les Etats-Unis sont les principaux destinataires de cette sympathique injonction. Reste à savoir si les formulations alambiquées du texte suffiront à pousser les Américains à réformer à leur tour leur (très généreuse) politique agricole. Certains semblent compter sur la hargne anti-subventions agricoles des Brésiliens et des pays émergeants pour les y contraindre. Qui vivra verra...
Les syndicats tous critiques De la FNSEA, des Jeunes Agriculteurs (JA) à la Confédération paysanne, en passant par la Coordination rurale et le Modef, tous les syndicats font part de leurs réserves face au texte adopté à Genève. «L’accord-cadre de l’OMC reste déséquilibré», affirment dans des communiqués la FNSEA et JA. La FNSEA estime en particulier qu’«après avoir pris l’engagement d’éliminer ses subventions à l’exportation, la Commission européenne devra être très exigeante sur l’engagement des autres pays membres, notamment des Etats-Unis, quant à la suppression de leurs propres aides à l’exportation». Pour la Confédération paysanne, «on a sacrifié l’agriculture pour encore plus "marchandiser" les services privatisés et quelques industries de pointe». La Coordination rurale, enfin, estime que «cet accord finit de saborder le navire de l’agriculture européenne». «Chaque pays devrait pouvoir être souverain en matière alimentaire», a affirmé son président, François Lucas. |
par Aude Fernandez (publié le 6 août 2004)
Nos offres d'abonnement
simples ou couplées,
à nos publications
hebdomadaires
et mensuelles
Découvrir nos Offres