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Alimentation et climat

De l'opportunité à l'opportunisme

Publié le vendredi 09 octobre 2015 - 18h11

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Qui a dit que le « climatiquement correct » était une contrainte ? Pour certains, le changement climatique n'est qu'une opportunité de plus de faire des affaires ! C'est ce que l'on pourrait conclure de la soirée de débat « Alimentation et climat » co-organisée par les groupes Avril et Carrefour, tous deux membres de la plate-forme « Solutions Cop21 », le 8 octobre 2015 à Paris. Car le sujet recèle de véritables opportunités pour les acteurs économiques, dont les agriculteurs européens. Cependant, la mauvaise foi aidant, le sujet est aussi une porte ouverte à tous les opportunismes.

 

En quelques diapositives rapides, quelques données de base ont été rappelées : la population mondiale est en croissance, les régimes intègrent de plus en plus de viande, l'apport en protéines est un enjeu stratégique, et l'élevage est émetteur de gaz à effet de serre. Ajoutez à cela l'enjeu des surfaces arables disponibles, nombreuses en Afrique, en Amérique latine et en Russie, mais ni en Asie, ni en Europe, ni en Amérique du Nord, et vous aurez un tableau rapidement brossé de la situation.

 

Le premier enseignement que nous offrent les intervenants de « Solutions Cop21 », en léger décalage avec le thème affiché, est que l'Asie va devoir augmenter ses échanges internationaux pour se nourrir. Il n'est nullement évoqué la possibilité pour le continent d'accroître ses propres capacités de production, bien que ce soit la volonté affirmée de nombreux gouvernements de cette région du monde...

 

L'agriculture africaine

 

Plus proche du vif du sujet : l'empreinte carbone de nos régimes alimentaires est trop élevée, et l'élevage est particulièrement en cause, nous rappelle Solutions Cop21. Ce n'est pas une surprise, il va falloir produire plus de protéines végétales : tant mieux pour Avril et les producteurs français qui voient une opportunité de marché s'ouvrir. Mais il n'est nullement question de renoncer à la viande, plutôt de produire (et manger) moins mais mieux. Même le très vert WWF l'affirme... Ouf pour nos filières animales et notre gastronomie ! Par contre, il va falloir travailler sur son efficience environnementale. Pour les ruminants, l'avantage serait plutôt à l'élevage à l'herbe selon les travaux menés par le WWF et les Civam. Mais, à l'herbe ou hors-sol, l'élevage a d'autant moins d'impact qu'il est productif : quand il y a plus de viande et/ou de lait produits pour la même quantité de gaz à effet de serre émise ! Même raisonnement pour les productions végétales. Avantage à l'Europe, la plus efficiente des agricultures du monde, nous explique-t-on.

 

L'agriculture africaine, quant à elle, a la double peine. D'abord, elle est peu productive, donc peu efficiente du point de vue environnemental, même si une représentante de l'AFD a rappelé que l'élevage africain, souvent, met en valeur des espaces qui ne pourraient pas être exploités autrement. Ensuite, l'agriculture africaine sera la plus durement touchée par le changement climatique. Conclusion osée: « Et si l'Europe, qui est plus efficiente sur le plan environnemental, approvisionnait l'Afrique ? »

 

La réponse à l'équation du changement climatique et de la croissance de la population est d'une simplicité saisissante : « En 2030, l'Europe, un garde-manger soutenable pour le monde ? » interroge la diapo finale.

 

Le contenu en carbone des assiettes

 

Lors d'une table ronde, un chef restaurateur de l'association « Bon pour le Climat » a expliqué ensuite comment il avait réussi à alléger le contenu en carbone des assiettes servies. De fait, ses fortes convictions en ce sens l'ont poussé à travailler sur l'optimisation des produits, donc la réduction du gaspillage, la méthanisation de ses biodéchets (bien que cette collecte séparée lui coûte de l'ordre de 3.000 à 4.000 €/an) et une attention toute particulière à la saisonnalité et la proximité de l'approvisionnement (moins de 200 km).

 

Il n'aura choqué personne que l'on considère plus durable en France de s'approvisionner à moins de 200 km, mais qu'il serait plus durable pour les Africains de s'approvisionner en Europe... Pas plus qu'on ne se sera interrogé sur la durabilité sociale d'un export massif vers le continent africain, dont l'agriculture est en de nombreux endroits le seul moyen de subsistance des populations (c'est pourtant l'AFD qui le rappelait lors de cette même rencontre !).

 

Pas sûr que cette solution soit non plus  « soutenable » pour les producteurs européens qui, s'ils s'engageaient sur cette voie, devraient intensifier leur production tout en abaissant à la fois leurs émissions de gaz à effet de serre, et en restant compétitifs par rapport aux prix africains...

 

Bérengère Lafeuille


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Les commentaires de nos abonnés (2)
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bravo

lundi 12 octobre 2015 - 11h07

bravo et merci pour cet article clair et incisif, qui met en avant le manque d'objectivité de ces thinktanks qui font l'opinion. Sortez-nous de temps en temps d'autres articles de la sorte, vous ferez progresser le niveau.

Avenir rose pour financier,triste pour paysan

dimanche 11 octobre 2015 - 17h31

Le changement climatique n'est qu'une opportunité de plus pour faire des affaires pour certains.(les transformateurs.....) Mais certainement pas pour les producteurs à un prix rémunérateur. Pour nos dirigeants la disparition des agriculteurs n'a aucune importance c'est le but recherché, afin de pouvoir réaliser ce qu'ils ont prévu depuis longtemps. Le réchauffement climatique a bon dos, pour les financiers refaire le monde dans leurs intérêts. Enfin de compte, ils n'ont pas tords, tant que toutes les terres seront exploitées c'est qu'il n'y a pas de problème dans l'agriculture en Europe. Dommage que six cents paysans se suicident par an, pour les médias l'image n'est pas bonne. Mais on évite d'en parler, nos responsables pensent que se sont des gens malades sans doute, mais rien à voir avec leur métier... Pour des prix bas aux producteurs, on applique une méthode qui a bien marché par le passé, plus on est gros moins on gagne, mais mieux on s'en sort(en théorie) Pour cela il est nécessaire de faire disparaître les paysans les moins compétitifs, c'est ce que nos dirigeants essaye de nous faire comprendre, afin que des terres se libèrent pour les meilleurs d'entre eux et que ceux ci puissent augmenter leurs productions. Ainsi malgré des prix toujours plus bas à la production, ils devraient pouvoir s'en sortir misérablement, mais s'en sortir... L'exemple est simple si le bénéfice sur un oeuf est de 0.01 Euros pour 1000 œufs par jour cela fera à la fin du mois 300 Euros de gagné. Alors vous vous imaginez 100000 œufs par jour cela fera à la fin de la journée 1000 Euros par jour et à la fin du mois 30000 Euros. Comme Perrette et le pot au lait, si le bénéfice par oeuf montait à 0.03 Euros, par jour..... Mais personne n'imagine que ce petit gain par oeuf puisse se transformer en une petite perte, car ce prix aux producteurs n'est jamais garanti.... Voila vers quoi nos dirigeants nous conduisent, vers un monde meilleur, mais certainement pas pour les producteurs gros et petits..... Ils seraient temps que certains comprennent que grossir n'est pas la réussite assurée pour longtemps... Dans cette étude rien ne dit ce que deviennent les hommes dans ce monde qui va changer....
commentaires agriculteurs

Nicolas
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