L'ONG Grain dénonce, dans un rapport publié mercredi 30 septembre, l'implication des fabricants d'engrais dans l'élaboration de solutions visant à minimiser l'impact de l'agriculture sur le climat, arguant que les engrais génèrent au contraire des émissions de gaz à effet de serre (GES).
« Les producteurs d'engrais ont infiltré les principaux processus politiques portant sur l'agriculture et le climat », avec comme objectif de « faire des engrais chimiques une solution au changement climatique et (d')affaiblir le soutien en faveur d'une agriculture non chimique », explique l'ONG mercredi dans un communiqué accompagnant son rapport.
Or, la fabrication des engrais, essentiellement à base de gaz naturel, utilise « beaucoup d'énergie et les fabricants ont de plus en plus recours aux gaz de schiste », a expliqué à l'AFP Devlin Kuyek, l'un des auteurs du rapport. En outre, les engrais azotés génèrent des émissions de gaz à effets de serre : « quand on met de l'azote dans un champ, seulement la moitié est absorbée. Le reste coule dans l'eau et est transformé en oxyde nitreux », un gaz à effet de serre « 300 fois plus puissant que le CO2 », avance M. Kuyek.
L'ONG avance que les engrais pourraient être « responsables de près de 10 % des émissions mondiales de GES, sans parler des dommages entraînés pour les cours d'eau, les sols et la couche d'ozone ». De son côté, le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) estime cette contribution à seulement 1 %. « Les chiffres obsolètes du Giec ne tiennent pas compte de l'accroissement mondial de la production d'engrais, de la dépendance accrue par rapport au gaz de schiste en tant que matière première ou des impacts destructeurs des engrais chimiques sur la matière organique, qui représente le puits de carbone le plus important », estime l'organisation.
Emprise de l'« Alliance mondiale pour une agriculture intelligente face au climat »
Grain dénonce notamment l'« emprise » des fabricants mondiaux d'engrais sur l'initiative intitulée « Alliance mondiale pour une agriculture intelligente face au climat » (Gacsa), inscrite sur l'« Agenda de solutions » de la COP21, qui regroupe des initiatives sectorielles visant à mettre en œuvre des solutions concrètes pour réduire les gaz à effet de serre.
Selon Grain, « 60 % des membres de l'Alliance appartenant au secteur privé sont (...) issus de l'industrie des engrais », avec notamment les deux plus grands fabricants mondiaux d'engrais, le norvégien Yara et l'américain Mosaic. « Les producteurs d'engrais, comme le norvégien Yara, sont les Exxon de l'agriculture » considère Henk Hobbelink, le coordinateur de Grain.
L'Alliance mondiale pour une agriculture intelligente compte parmi ses membres une vingtaine de pays dont la France et les Etats-Unis, des instituts de recherche (Cirad et Inra côté français), ainsi que la Banque mondiale, la FAO (agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture), et le groupe Danone.