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Article 23 :

Reportage: "En moyenne montagne, on vit à 5 UMO sur 400.000 l grâce à la retenue collinaire et au bio"

Après avoir réussi sa transition bio et réalisé la mise aux normes, le Gaec de la Combe se réorganise en prévision d'une réduction du nombre de ses associés.

Créé en 1981 à partir des exploitations individuelles de Jean Lachat et de son frère Marcel, le Gaec familial de la Combe, à Chazelles-sur-Lavieu, a su se développer malgré un environnement difficile. Dans cette zone de moyenne montagne aux terrains séchants et sensibles à l'érosion, l'aménagement d'une retenue collinaire en 1986 a constitué un investissement stratégique. " Sans l'eau, estime Jean Lachat, jamais le Gaec n'aurait pu faire vivre cinq personnes. Nous serions restés à deux ou trois associés. "

La retenue était un pari raisonné. " Nous manquions de surface pour alimenter nos soixante vaches qui produisaient alors 321.000 litres de lait. En plus de nos 9 ha de maïs, nous achetions du maïs ensilage dans la plaine du Forez. Les 76.220 € (500.000 F) investis à l'époque dans la retenue collinaire et dans le système d'irrigation ont été amortis en douze ans. Cet investissement s'est révélé comme étant le plus rentable jamais réalisé sur l'exploitation. Les 26.000 m3 d'eau récupérés à partir des bassins versants ont permis d'irriguer 17,5 ha et de sécuriser le système fourrager. Les achats de maïs ensilage ont été arrêtés. "

Par ailleurs, sans l'eau, la famille Lachat n'aurait jamais pu réaliser un défi personnel qui lui tenait à coeur: produire en agri-bio. " Nous nous sommes toujours méfiés des produits chimiques, nous traitions à mi-dose, explique Marcel. Mais l'image du bio, des gens aux cheveux longs peu professionnels, ne nous inspirait pas. Notre opinion a changé le jour où nous avons rencontré des agriculteurs des monts du Pilat engagés dans une démarche collective de transition bio sous l'égide de notre coopérative Orlac. La crise de la vache folle, avec ces images insoutenables d'agriculteurs encadrés par des gendarmes, nous a définitivement convaincus de sauter le pas. " Initié en 2001 dans le cadre d'un CTE, le passage au bio a constitué le projet d'installation de Guillaume, le fils de Jean et de Solange, qui s'est installé sans reprise de terrain supplémentaire.

A une époque où les références techniques étaient peu disponibles, et où le système de production en place sur une partie de l'exploitation était intensif (ensilage maïs/RG dérobé pour 45 laitières à 8.500 kg), il fallait oser! " Il y a eu des tâtonnements, se souvient Marcel. On a commencé par faire du lupin. On pensait en effet que la première chose qui allait manquer dans une ration encore fondée sur le maïs serait la matière azotée. Les rendements très faibles et les problèmes d'adventices nous ont fait arrêter cette culture rapidement. Nous sommes alors partis alors sur la luzerne, avec un souci presque opposé: chercher de l'énergie. "

" De 15 ha de maïs avec des RG en dérobé, 3 ou 4 ha de dactyle-luzerne, 18 ha de céréales et des prairies sous-exploitées, l'assolement est passé à 28 ha de luzerne, 2,5 ha de maïs et 14 ha de céréales, avec des prairies gérées différemment ", résume Laurent, le fils de Marcel et de Marie-Jo, en cours d'installation.

LE CADRE

- Dans les monts du Forez, à 730 m d’altitude.

- Dans une commune périurbaine à 15 km de Montbrison.

- Sols séchants sur arènes granitiques.

- Pluviométrie: 650-700 mm par an.

- Deux sites distants de 800 mètres.

- Matériel détenu en Cuma: ensileuse, tonne à lisier, épandeur de fumier, composteuse, rouleau et cover-crop.

CARTE DE VISITE

- Gaec de cinq UMO.

- 400.000 litres de quota.

- 60 prim’holsteins.

- 7.250 kg par VL (38 de TB, 32 de TP, qualité super A).

- Filière Biolait de Candia, 0,37 E le litre.

- SAU de 87 ha dont 43,4 ha de prairies temporaires (28 ha de luzerne), 27 ha de prairies permanentes, 2,6 ha de maïs, 10,5 ha de triticale.

Une nouvelle rotation effectuée en cinq ans

Un tel changement ne s'est pas fait sans difficultés. " La première année, l'orge est tombée à 30 q/ha alors qu'en conventionnel, on faisait 50-55 q, se rappelle Marcel. On a alors changé de variété, en optant pour le triticale. " Pour maîtriser les mauvaises herbes, les agriculteurs ont fait leurs propres essais de désherbage mécanique. La herse étrille, qui était passée quand les céréales étaient déjà hautes, est désormais utilisée " à l'aveugle " cinq ou six jours après le semis. Pour s'en servir dans les meilleures conditions, le Gaec a investi dans son propre matériel.

Agrandir l'image Cinq années ont été nécessaires pour réaliser la transition bio. " Le temps d'installer une nouvelle rotation ", précise Jean. Allongée de trois à six ans, celle-ci fait désormais alterner quatre années de luzerne et deux années de céréales. " A l'avenir, nous aurons moins d'adventices, car les céréales et le maïs seront implantés après la luzerne, qui constitue un excellent précédent. " Distribuée de la fin de mai à la fin de novembre à l'autochargeuse en complément de la pâture, la luzerne constitue alors l'élément principal de la ration des laitières. L'hiver, l'alimentation se compose d'ensilage de dactyle-luzerne, d'ensilage maïs, de foin, de luzerne déshydratée, de triticale autoconsommé et de maïs grain. Malgré quelques frayeurs (une chute de 2.000 litres par vache et des TP à 29), le troupeau n'a finalement pas souffert du passage en bio. " La chute de production était en fait plus liée au système fourrager non calé qu'au bio lui-même, explique Laurent. Au cours des premières années de la transition, nous étions en ration de maïs ensilage et tourteau. Compte tenu du prix élevé de ce dernier, on limitait les apports azotés. Puis, dans les années de sécheresse, nous avons acheté du foin cher et pas bon. On n'a pas fait de lait, les vaches ont maigri, n'ont pas bien rempli. Avec la nouvelle ration, la production est remontée à 7.250 kg par vache, le TP à 32. En réalisable, on tourne à 8.500 kg environ. " Initialement inférieure à 100.000, la moyenne cellulaire du troupeau est montée à 200.000 après la transition en bio. " On continue à réformer systématiquement les vaches à cellules. On n'hésite pas. On a la relève. " Financièrement, la prime bio versée par la laiterie (76 €/1.000 l depuis le 1er novembre 2003) et le CTE ont permis de financer la transition. L'argent du CTE versé en pleine sécheresse a soulagé la trésorerie, alors très sollicitée. " En 2005, pour faire face aux 6,5 mois et demi de sec et compenser les 10 ha de luzerne qui n'ont pas levé, il a fallu acheter pour 18.000 € de fourrages, maïs grain et luzerne déshydratée. L'année précédente, il avait même fallu acheter du foin (55 t). "

Départs à la retraite: la relève est assurée

Aujourd'hui, alors que le système bio est calé et que les travaux de mise aux normes ont été réalisés (100.000 € sur les deux sites), le Gaec s'apprête à relever un nouveau défi: le renouvellement des associés. Jean et Solange prendront en effet leur retraite à la fin d'année. Ils seront suivis dans cinq ans environ par Marie-Jo et Marcel. Le fils de Marcel, Laurent, 27 ans, professeur de zootechnie au lycée agricole de Précieux, dans la Loire, se réjouit de rejoindre le 1er octobre prochain son cousin Guillaume sur le Gaec. L'exploitation se réorganise pour réduire à terme la charge de travail et conforter le système fourrager. Outre le réaménagement de la stabulation des laitières avec l'installation d'un séchage en grange équipé de 1.000 m2 de capteurs solaires, une seconde retenue collinaire est en projet. Avec les sécheresses consécutives de ces dernières années, l'eau est en effet devenue le facteur limitant. " En 2005, faute d'eau en quantité suffisante, seuls une douzaine d'hectares de luzerne et 2,5 ha de maïs ont pu être irrigués, contre 20 ha habituellement, explique Jean. La dizaine d'hectares de céréales habituellement arrosés deux fois n'a pu l'être qu'une seule fois. " D'une capacité au moins équivalente à la première, la retenue contribuera à remplir plus facilement les cinq cellules du séchoir en grange (capacité de 250 à 300 tonnes de foin). " On ne pourra sans doute jamais se passer totalement des approvisionnements extérieurs (maïs grain en particulier), estime Guillaume. Mais on pourra réduire les achats et sécuriser la production fourragère, en gagnant en qualité. " La retenue permettra par ailleurs de produire du lait plus régulièrement, ce qui correspond à la demande de la laiterie, tout en assurant le développement futur de l'exploitation: avec l'installation de Laurent, le quota va augmenter de 20.000 litres.

Les travaux de la stabulation à logettes paillées vont démarrer cette année avec l'aménagement des cellules pour vrac, la zone de déchargement du fourrage et la couverture de la fumière. Ils se poursuivront d'ici à 2008 avec le réaménagement intérieur du bâtiment: couloirs de circulation et aire d'alimentation (90 places). Le passage au foin en vrac va considérablement simplifier le travail: outre l'arrêt de l'ensilage d'herbe, il entraînera la disparition des allers et retours fastidieux entre les deux sites de l'exploitation: séchées sur le site de Prénat, les balles de foin étaient en effet stockées et consommées sur le site de Chatelville. Une seconde griffe sera installée pour pailler les logettes et composter le fumier. L'aire d'exercice extérieure (840 m2 non couverte) ne sera plus raclée tous les jours. Avec le Dac (déjà en place) et le séchage en grange, de 10 à 15 minutes suffiront pour alimenter 60 laitières à l'abri.

Le seul inconvénient reste le coût. Malgré les efforts réalisés pour tirer le meilleur profit de l'existant (réutilisation du toit de l'actuel bâtiment fourrage pour couvrir la fumière), l'investissement est en effet chiffré à 250.000 €. Aucune aide n'a été intégrée dans le plan de financement car les éleveurs ne sont pas sûrs de bénéficier du nouveau plan bâtiment. " Lourd, l'investissement reste toutefois rentable à long terme, estiment Laurent et Guillaume. Le vrac nous permettra de diminuer les coûts de fonctionnement: réduction des heures de tracteur, suppression des filets sur les balles de foin et des plastiques pour l'enrubannage. Nous ne serons pas contraints de rénover les silos. "

Néanmoins, pour éviter de se retrouver dans quelques années avec une trésorerie trop tendue et des prélèvements remis en cause, les associés ont choisi d'étaler les investissements. La retenue ne sera pas réalisée avant 2009. Outre le coût du bâtiment, il faut en effet prévoir le rachat du capital et des comptes associés de Jean et de Solange. Une partie de la dette familiale sera payée immédiatement, l'autre échelonnée dans le cadre d'un prêt.

Des relations plus faciles avec les périurbains

" Notre conversion en bio a changé la perception des citadins qui nous entourent, constatent les associés du Gaec de la Combe. Il y a quelques années, dans notre commune périurbaine, on sentait une réticence des non-agriculteurs vis-à-vis de nos modes intensifs de production. Celle-ci s'exprimait dès qu'il y avait un problème sur un captage d'eau. Aujourd'hui, les gens sont plus attentifs." Bien adapté à l'état d'esprit des membres du Gaec, le bio est aujourd'hui considéré par ces derniers comme un moyen de pérenniser l'exploitation. " Nous ne produisons pas dans une niche commerciale, nous ne représentons rien. D'autres que nous peuvent produire le même lait standard à moindre coût. Le bio, qui n'est rien d'autre que la remise au goût du jour des anciennes méthodes avec l'aide des nouvelles techniques, constituera un atout, si un jour il faut créer un réseau de commercialisation direct. "

Alors que le Gaec s'efforce de produire un lait sain et de qualité en respectant son environnement, les relations difficiles avec les chasseurs constituent une source d'insatisfaction. " Depuis quinze ans, nous subissons les dégâts de sangliers. Ils nous mangent les vers de terre indispensables en bio et détruisent les parcelles. Les mottes provoquent des moisissures dans l'ensilage et le foin. Le dialogue est impossible: les chasseurs étrangers à la commune débarquent en 4x4 et disparaissent après leur raid. On ne les connaît même pas, s'emporte Jean, par ailleurs membre du conseil municipal. L'amertume est d'autant plus grande que les terrains sont mis gratuitement à la disposition de la société de chasse et que les indemnités (quand il y en a) sont ridiculement basses. On nous demande de bosser, de faire de la qualité et on laisse casser notre travail! "

Un foin de très bonne qualité pour un coût réduit

L'exploitation ventile le foin depuis le début des années soixante-dix. Les balles de basse densité ont fait place aux balles rondes séchées dans un séchoir autoconstruit par les éleveurs sur le site de Prénat. Aménagée en 1991 pour 45 bottes, l'installation a été agrandie une dizaine d'année plus tard dans le cadre de la substitution maïs-luzerne pour sécher tout le foin. Le premier séchoir fonctionne à l'air ambiant avec brûleur mazout. Le second est équipé d'un capteur solaire. D'une capacité globale de 85 bottes de diamètre 120, l'installation permet de sécher des balles de luzerne pressée de 60% de MS au minimum en 48 à 70 heures. " On fait du foin de très bonne qualité pour un coût réduit. Mais la manutention est lourde: il faut tourner les bottes à la main. Une fois séchée, il faut les transporter sur l'autre site de l'exploitation, où elles sont consommées par les laitières et les génisses prêtes à vêler. "

Paroles d'éleveurs: "Faire du bio sans négliger la technique"

" Sur l'exploitation, au Contrôle laitier depuis trente ans, bio et technique ne sont pas contradictoires. La génétique aide à l'amélioration du confort des animaux et à la qualité des produits. " Classé septième au classement de l'index morphologique en prim'holstein en 2005, l'élevage veille à sélectionner des vaches capables d'ingérer un maximum de fourrages, avec de bons aplombs. Nous sommes aussi très vigilants sur la qualité des mamelles. C'est un point essentiel pour prévenir les risques de mammites. Le cas échéant, ces dernières sont traitées le plus souvent avec les huiles essentielles qui stimulent l'appareil immunitaire de l'animal. Le traitement, maintenu une semaine, donne les résultats escomptés dans huit cas sur dix, à condition que l'on soit intervenu dès les premiers symptômes. Les antibiotiques sont réservés aux cas de non-délivrance que nous essayons de prévenir en donnant du magnésium systématiquement au vêlage. Les veaux sont nourris au lait yaourt: depuis sept à huit ans, nous ne donnons plus ni antibiotiques ni sachets repas. Le contrôle du parasitisme passe d'abord par la prévention au pré: captage de mouillères et abreuvement des animaux en bacs en Inox."

12 ou 13 t/ha de MS en luzerne irriguée

20 des 28 ha de luzerne sont irrigués. " Sur les parcelles arrosées, on fait quatre coupes de 3-4 t de MS chacune (contre 2-3 t sur les parcelles non arrosées), soit 12 ou 13 t/ha de MS, précise Jean Lachat. La première coupe vient en général seule, sans irrigation, car on a souvent de la pluie à la fin d'avril. Par la suite, on fait deux passages de 40-50 minutes d'eau par coupe. " Cultivée en association avec le dactyle, la luzerne est récoltée en ensilage, en foin ventilé et en affourragement en vert (de 1/4 à 1/3 du tonnage global). La gestion de l'irrigation suppose un parcellaire adapté. Sur l'exploitation, trois ou quatre ans ont été nécessaires pour réunir les conditions optimales. " Au départ, on irriguait des parcelles pas trop grandes. On arrosait le blé du voisin prêt à être moissonné. Peu à peu, on est parvenu à bien structurer le parcellaire. " Et l'éleveur de souligner: " Etre en Gaec constitue un avantage pour gérer les contraintes liées à l'arrosage et à la surveillance. La retenue doit par ailleurs être entretenue régulièrement si on veut la conserver longtemps en bon état. "

par Marie Rhé

(publié le 1er juillet 2006)

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