Lors d'un débat consacré à la question des stocks alimentaires, le 30 avril 2013 à Paris, Bernard Valluis, président délégué de l'Association de la meunerie française, s'est prononcé pour la constitution de « stocks de réserve », différents des « stocks d'urgence » et des « stocks de régulation ».
C'est la frustration qui le pousse à s'exprimer, a reconnu Bernard Valluis. Il a en effet été déçu que la question des stocks de denrées agricoles n'ait émergé, sous la présidence française du G20 en 2011, que pour être aussitôt circonscrite aux réserves d'urgence destinées à prévenir ou endiguer les crises alimentaires. Dans les autres cas, les partisans de la constitution de réserves sont aussitôt soupçonnés de vouloir réguler les prix. Ce qui n'est pas du goût de certains grands pays exportateurs.
Bernard Valluis, lui, dans le « Point de vue » publié par la fondation Farm ce mois-ci, défend la constitution de stocks « de réserve » dont le but serait seulement d'équilibrer le bilan offre-demande – avec une incidence indirecte sur la stabilisation des prix. Il s'appuie sur l'exemple de la Suisse, qui est « peut-être le seul pays à conduire une politique de réserves stratégiques dans le domaine de l'alimentation, la pharmaceutique et l'énergie ». Leur gestion est déléguée au secteur privé, qui répercute les prix dans le coût de production des produits. Au bout du compte, le surcoût (payé par le consommateur et non le contribuable) serait de 17 francs suisses par habitant et par an. D'autre part, le stockage n'est pas tabou dans tous les domaines : les réserves stratégiques de pétrole sont de mise pour les pays importateurs, notamment dans l'Union européenne.
Le nerf de la guerre reste le financement de ces stocks publics, la solution la plus évidente pour des biens publics étant de les financer sur le budget de l'Etat. Mais, dans la situation financière que nous connaissons, les Etats sont peu enclins à accepter la charge de l'immobilisation que représentent les stocks. Bernard Valluis propose un mécanisme de portage financier auprès d'institutions financières, avec délégation de la gestion logistique aux entreprises. Même si cette solution n'est pas la panacée pour les pays pauvres du Sud.
De manière générale, les solutions politiques ne seront trouvées, selon Bernard Valluis, que si le droit à la sécurité alimentaire est reconnu comme un principe supérieur aux législations nationales et accords internationaux existants, de sorte que ce droit s'impose aux règles existantes au lieu de s'en accommoder. C'est ce que Bernard Valluis nomme le « Pacte mondial pour la sécurité alimentaire ».