L'Institut de prospective économique du monde méditerranéen, Ipemed, un think-tank « indépendant des pouvoirs politiques », donne sa vision d'une nouvelle approche de la politique agricole sur les rives de la Méditerranée en termes de sécurité alimentaire et de développement rural à l'horizon de 2030.
Dans une étude intitulée « Demain la Méditerranée, Scénarios et projections à 2030 : croissance, emploi, migration, énergie, agriculture » publiée en novembre 2011 et diffusée le 6 février 2012, l'Ipemed, dans le cadre du Consortium Méditerranée 2030, dessine trois grands scénarios de développement de la région (un scénario de « crise de la Méditerranée », un autre de « divergences méditerranéennes » et un troisième scénario de « convergence méditerranéenne »).
« Promoteurs de la construction d'une région euro-méditerranéenne intégrée, durable et solidaire, l'Ipemed et le Consortium Méditerranée 2030 s'accordent sur neuf recommandations pour parvenir au scénario de convergence régionale » porté par le projet d'UpM (Union pour la Méditerranée) et mettre en place un « écosystème » méditerranéen, souligne le communiqué. Parmi elles, l'Ipemed soutient la création d'une politique commune de sécurité alimentaire et de développement rural, ainsi que l'élaboration d'un « label méditerranéen garantissant une qualité sanitaire et environnementale en matière agricole », ou encore la fluidité des échanges commerciaux Sud-Sud.
Des trois scénarios possibles envisagés par l'Ipemed, c'est celui de la « convergence méditerranéenne » - une convergence par le haut « avec un ensemble de politiques agricoles et multisectorielles concertées » - que met en avant le think tank.
Le scénario de la « crise de la Méditerranée » se joue déjà actuellement, avec la « montée des prix des produits agricoles de base et des produits alimentaires qui s’installe dans la durée » à cause de la « spéculation active » et à l’absence d'une « régulation minimale des prix et des stocks de sécurité alimentaire », souligne l'Ipemed.
Concernant le deuxième scénario, celui des « divergences méditerranéennes », basé sur un statu quo du processus euro-méditerranéen « dans une économie libérale ouverte sur le monde », l'Ipemed considère que les accords de libre-échange, que chaque pays négocie individuellement avec l’Europe, se développent « de façon asymétrique avec plus de bénéfices pour la rive nord que pour la rive sud ». Et en outre, « ces accords excluent toujours l’agriculture et empêchent le développement des exportations des pays du Sud et de l’Est vers l’Europe », poussant les pays du Maghreb à se tourner vers d'autres pays émergents (Brésil, Chine ou Inde) pour écouler leurs productions. Ils doivent également se tourner vers ces pays du « Bric » (le « r » désignant la Russie) pour assurer leur sécurité alimentaire, faisant de l'ombre aux importations de la rive nord-méditerranéenne.
Alors que le scénario de la « convergence méditerranéenne », lui, « change la donne, avec une convergence progressive pour un pacte de codéveloppement qui améliore la sécurité alimentaire régionale, souligne l'Ipemed. Ce scénario se construit avec des pays du pourtour méditerranéen qui prennent en charge collectivement leur sécurité alimentaire grâce à des politiques agricoles régionales concertées et complémentaires ».
L’évolution vers ce scénario implique « le partage d’objectifs communs de sécurité alimentaire, la mise en place de politiques agricoles européennes et méditerranéennes convergeant sur quelques points clés (maîtrise des prix agricoles, régulation des marchés, constitutions de stocks de sécurité pour la sécurité alimentaire) », et un important effort d'investissement public et privé dans des secteurs touchant en particulier la gestion de l'eau et la standardisation industrielle en termes de qualité des produits agricoles locaux, explique le think-tank. Par ailleurs, l’élaboration de politiques publiques dans le secteur agroalimentaire « nécessite la présence d’un secteur professionnel organisé » et des politiques d’enregistrement foncier « indispensables pour stimuler l’investissement dans la durée et les financements de l’activité agricole », assure l'Ipemed.
Cette approche amène le consortium Méditerranée 2030 à proposer une nouvelle politique agricole et pour le développement rural commune aux pays de la zone euro-méditerranéenne. Non pas « une extension de la Pac dans une nouvelle formule au Sud et à l’Est », mais une « politique régionale de développement, articulée autour [d'une] politique européenne de voisinage (coopération renforcée pour la convergence des normes sanitaires, NDLR), permettant la construction progressive d’un véritable pacte de codéveloppement rural – à bénéfices mutuels – pour la Méditerranée ».
Des dispositifs de contrôle « élaborés au Nord comme au Sud permettraient de réguler les marchés », sans rejeter le protectionnisme de manière transitoire, « et d’assurer la promotion d’une production agricole de qualité garantissant emplois et revenus dans les milieux ruraux des intérieurs des pays du Sud et de l’Est méditerranéen », fait valoir le rapport.
C'est dans ce cadre qu'il imagine la mise en place de stocks de céréales euro-méditerranéens « pour rendre les interventions d’urgence plus efficaces ».
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