Le Parlement européen a adopté le 11 mars 2014 un texte, sans valeur législative ou juridique, qui prône de revenir sur l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes, actuellement en vigueur dans l'UE.
Le texte, d'apparence anodine et destiné officiellement à défendre le secteur horticole en Europe, était porté par la conservatrice britannique Anthea McIntyre, une eurodéputée connue notamment pour ses positions pro-OGM. Le rapport, dit d'initiative parlementaire, a été adopté par 354 voix pour, 285 contre et 21 abstentions.
Après avoir noté que l'horticulture représente 18 % de la valeur totale de la production agricole de l'UE, le texte suggère plusieurs moyens pour aider et renforcer ce secteur. Il faudrait « réexaminer l'interdiction actuelle de certains néonicotinoïdes », affirme notamment le rapport, qui souligne également que « les techniques génomiques actuelles peuvent être efficacement utilisés dans les programmes d'amélioration des cultures horticoles ».
Sur la base d'une évaluation de l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa), la Commission européenne a décidé, en avril dernier, de limiter temporairement l'utilisation de trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxam) jugés nuisibles à la santé des abeilles. En l'absence d'un accord entre les Etats membres, l'exécutif a interdit pendant deux ans ces substances pour le traitement des semences, des sols (granulés) et pour les applications foliaires sur les plantes et les céréales attractives pour les abeilles.
Cette interdiction est entrée en vigueur le 1er décembre 2013. Elle est contestée devant la Cour de justice de l'UE par deux fabricants de ces produits : le suisse Syngenta et l'allemand Bayer. Syngenta produit le Cruiser, un pesticide contenant du thiaméthoxam. L'imidaclopride de Bayer a aussi entretemps été épinglé par l'Efsa pour le risque qu'il fait peser « sur le développement du système nerveux humain ».
Quinze Etats membres (dont la France et l'Allemagne) avaient voté en faveur des restrictions visant les trois insecticides, huit avaient voté contre (dont le Royaume-Uni, l'Italie et la Hongrie) et quatre s'étaient abstenus.
Aller « vers plus de durabilité, d'innovation et de biodiversité » (S&D)
Les socialistes européens (S&D) ont voté contre ce rapport car « son contenu défend quasi exclusivement une production très concentrée et fortement industrialisée », expliquent-ils dans un communiqué.
« Ce rapport est axé sur la seule compétitivité liée à un développement intensif de la production et [...] développe trop peu la nécessité de faire évoluer les modèles de production vers plus de durabilité, d'innovation et de biodiversité. A l'inverse, il soutient l'emploi des produits phytosanitaires et le recours aux biotechnologies. »
« Ce texte ne met pas suffisamment l'accent sur l'emploi et le rôle des nombreuses petites et moyennes entreprises horticoles, notamment en termes de potentiel d'insertion professionnelle de beaucoup de jeunes partout en Europe. Il occulte également les problèmes de dumping social pouvant exister dans un secteur à activité saisonnière et pourvoyeur de nombreux emplois. »
« Par ailleurs, il n'évoque à aucun moment l'intérêt de consommer des fruits et légumes pour la santé, et des produits sains. Enfin, il ne se concentre pas assez sur le besoin pour les producteurs d'être organisés collectivement face à la grande distribution et de répondre à une demande croissante des consommateurs de produits issus de marchés de proximité et de circuits courts. »
« Il faudra modifier cette approche à l'occasion de la réforme du secteur des fruits et légumes qui devrait être engagée prochainement, mais avec un nouveau Parlement européen », conclut le communiqué.