L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a finalement conclu le samedi 7 décembre 2013 à Bali, après bien des retournements, un accord « historique », le premier signé depuis la création de l'organisation en 1995, la sauvant ainsi de l'obsolescence, mais au prix d'une réduction de ses ambitions.
« Pour la première fois de son histoire, l'OMC a vraiment tenu ses promesses », a lancé le directeur général de l'organisation, le Brésilien Roberto Azevedo, juste après l'approbation officielle du texte par les ministres des 159 Etats membres réunis sur l'île indonésienne de Bali.
Néanmoins, l'accord de Bali ne répond pas aux espoirs et ambitions de l'OMC d'une abolition globale des barrières douanières, exprimés tout au long des douze années de négociations infructueuses à Doha.
L'accord conclu samedi représente moins de 10 % du vaste programme de réformes lancé à Doha. Il est réalisé alors que de nombreux responsables avaient dit craindre pour l'avenir même de l'OMC, et du multilatéralisme en général, en cas d'échec à la ministérielle.
« Nous avons remis le mot mondial dans l'Organisation mondiale du commerce », a dit M. Azevedo, avant de marquer une longue pause pour retenir ses larmes.
Le directeur a estimé que l'accord de Bali était un « pas important » vers la réalisation du vaste programme de libéralisation des échanges commerciaux lancé en 2001 dans la capitale du Qatar, Doha, mais resté jusqu'à présent lettre morte.
L'OMC a évalué à 1.000 milliards de dollars la richesse que « le paquet de Bali » permettra de créer, avec à la clef des millions d'emplois.
« Bali marque une nouvelle aube pour l'OMC », a ajouté le ministre indonésien du Commerce, Gita Wirjawan, président de la réunion. « C'est une réussite historique, qui va représenter un véritable stimulus à un moment où croissance et emploi sont apathiques », a-t-il ajouté.
« Aujourd'hui, nous avons sauvé l'OMC et le paquet de Bali », a pour sa part déclaré le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, dans un communiqué publié à Bruxelles.
Pour le Premier ministre britannique, David Cameron, cet accord « historique » pourrait être une « planche de salut » pour les plus démunis de la planète.
La France, par la voix de sa ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a salué samedi un accord « déterminant » qui, selon elle, « ouvre une nouvelle page du système commercial multilatéral ». Le Brésil s'est lui aussi félicité d'un accord qu'il juge « largement positif » pour lui.
Ensemble de mesures a minima surnommé « Doha light », il concerne trois volets :
• l'agriculture (avec un engagement à réduire les subventions à l'exportation),
• l'aide au développement (prévoyant une exemption accrue des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés),
• et la « facilitation des échanges », qui ambitionne de réduire la bureaucratie aux frontières.
« C'est un accord bienvenu mais limité. Nous sommes passés de “'Doha”, à “'Doha Light”, à “Doha Light décaféiné” », ironise Simon Evenett, expert de l'OMC à l'Université de Saint-Gallen, en Suisse.
« Aucun progrès sérieux n'a été réalisé sur les subventions agricoles à l'exportation, le commerce électronique ou les subventions concernant les exportateurs de coton », souligne-t-il.
« Bali n'est qu'un début. Nous avons dorénavant douze mois pour établir une feuille de route pour conclure le programme de Doha », a déclaré Roberto Azevedo.
« C'est une victoire mais douce-amère », a estimé Kevin Gallagher, analyste à l'Université de Boston. « Plutôt que de faire honneur au multilatéralisme, les grandes puissances vont évoluer vers des accords régionaux afin de mettre en avant les propositions nuisibles qui ont été rejetées à l'OMC », déclare-t-il à l'AFP.
L'organisation humanitaire Oxfam reste elle aussi sceptique, et estime qu'il n'apportera pas grand-chose aux pays les plus pauvres. «Tout cela s'exprime dans la formule “faire de son mieux”, ce qui dans les négociations commerciales vaut autant que croiser les doigts dans le dos », assène Oxfam.
Une victoire personnelle
La conclusion heureuse de la réunion ministérielle représente une victoire personnelle pour le nouveau directeur général de l'OMC. Le Brésilien a pris les rênes de l'Organisation en septembre avec l'ambition de réussir là où son prédécesseur, le Français Pascal Lamy avait échoué. Avant Bali, aucune des quatre réunions ministérielles n'a abouti à une entente globale.
L'accord de Bali a été atteint à l'arraché, après une série de retournements qui ont fait croire à plusieurs reprises que tout espoir d'entente était perdu.
L'Inde a d'abord marqué son opposition, exigeant de pouvoir accroître ses subventions agricoles, avant d'accepter un compromis de dernière minute.
Puis, Cuba, le Nicaragua, la Bolivie et le Venezuela ont soudainement rejeté le projet d'accord duquel avait été retiré une référence à l'embargo américain contre Cuba.
Premier accord dans l'histoire de l'OMC, ce n'est toutefois pas le premier dans la longue marche vers la libéralisation des échanges commerciaux. Le précédent cycle de négociations, dit « Uruguay Round », s'était conclu en 1994 avec l'accord de Marrakech (Maroc), qui avait abouti à la création de l'OMC un an plus tard.