La hausse du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère terrestre ne se limite pas au réchauffement climatique ; elle constitue aussi une menace directe pour la production agricole qui va subir une baisse significative de certains nutriments contenus dans les végétaux, s'alarment des chercheurs.
Avec les niveaux élevés de dioxyde de carbone attendus à l'horizon de 2050, ce sera notamment le cas du zinc et du fer, indispensables à l'alimentation humaine, dont la concentration va diminuer de manière inquiétante dans certaines céréales et légumineuses, selon une étude réalisée par l'Ecole de santé publique d'Harvard.
« Etant donné qu'environ deux milliards d'individus souffrent déjà de carences en zinc et en fer, ce qui se traduit chaque année par 63 millions de décès liés à la malnutrition, il s'agit de la menace sanitaire associée au changement climatique la plus importante jamais identifiée », insiste la prestigieuse institution américaine dans un communiqué.
Pour Samuel Myers, qui a dirigé ces travaux, cette étude publiée le 7 mai dans la revue britannique Nature est la première du genre à prouver que « la hausse des concentrations en CO2, qui n'ont cessé d'augmenter depuis la Révolution industrielle, menace la nutrition humaine ». Les mécanismes responsables de ce phénomène restent toutefois mystérieux.
Par le passé, des expériences menées en laboratoire ou sous serre avaient déjà démontré l'effet néfaste du CO2 sur les qualités nutritives des produits agricoles, mais la pertinence de résultats obtenus dans des conditions artificielles avait été critiquée. Et d'autres expériences réalisées en plein champ et à l'air libre grâce à des techniques d'enrichissement en CO2 (baptisées « FACE ») ne portaient pas sur un échantillon suffisamment vaste.
Les biologistes américains ont cette fois-ci passé en revue les données recueillies sur sept sites FACE au Japon, en Australie et aux Etats-Unis, et portant sur 41 variétés différentes de céréales et de légumineuses. La concentration en CO2 sur tous ces sites était comprise entre 546 et 586 parties par million (ppm), une valeur similaire à celle prédite par les experts du climat dans les 40 à 60 ans à venir, même si des mesures sont prises d'ici là pour juguler les émissions de gaz à effet de serre.
Plantes en C3 coulées
Les chercheurs ont mesuré la teneur en nutriments des parties consommables de blé et de riz, de maïs et de sorgho, ainsi que de soja et de pois. Leurs résultats montrent une nette baisse de la teneur en zinc, en fer et en protéines chez les céréales dites « en C3 », comme le blé et le riz qui fixent le carbone contenu dans le CO2 sous forme d'un composé à trois atomes de carbone. Le blé cultivé sous forte concentration de CO2 contenait par exemple 9,3 % de zinc en moins, 5,1 % de fer en moins et 6,3 % de protéines en moins qu'un blé cultivé dans l'air ambiant (un peu moins de 400 ppm de CO2 actuellement).
Les chercheurs d'Harvard ont toutefois constaté avec surprise que la teneur en zinc et en fer pouvait fluctuer considérablement d'une variété de riz à l'autre, ce qui pourrait permettre de développer un riz plus résistant aux fortes concentrations en CO2. Les légumineuses « en C3 », comme le soja et le pois, accusaient elles aussi une « baisse significative » en zinc et en fer, mais pas en protéines, note l'étude.
M. Myers et son équipe estiment que deux à trois milliards de Terriens reçoivent au moins 70 % de leur apport en zinc et/ou en fer en consommant des plantes de type C3, en particulier dans les pays en développement où les carences alimentaires constituent déjà un défi de santé publique majeur. Les plantes « en C4 » (maïs et sorgho), apparues plus récemment sur terre et qui fixent différemment le carbone atmosphérique, semblent moins affectées par un taux de CO2 élevé.