Les vins sans IG (indication géographique), anciennement vins de table, peuvent désormais afficher sur l'étiquette le cépage et/ou le millésime, conformément à la nouvelle segmentation des vins et aux nouvelles règles d'étiquetage définies dans la réforme de l'OCM vin, entérinée en 2008 et entrée en application le 1er août 2009.
Selon Jean-Paul Angers et Dominique Janin, secrétaires généraux de l’Arev, dans un communiqué du début de février 2010, ces nouvelles règles sont une « entorse flagrante à la norme internationale », à savoir le « code de l'étiquetage » de l'OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin).
En « faisant fi des règlements fondamentaux consignés dans le "code de l’étiquetage" de l’OIV », Bruxelles a mis la nouvelle réglementation européenne « en contravention avec la "norme internationale pour l’étiquetage des vins" dudit code de l’OIV, rapporte les secrétaires généraux de l'Arev.
Pas de traçabilité pour les vins de masse
Selon eux, l’article 3.1.4, traitant du « nom de la variété » stipule en effet qu'« il ne peut être indiqué que si […] le vin bénéficie d’une appellation d’origine reconnue ou d’une indication géographique reconnue ».
Et l’article 3.1.5, traitant du « millésime ou année de récolte » indiquerait que « cette mention est réservée aux vins bénéficiant d’une appellation d’origine reconnue ou d’une indication géographique reconnue ».
Les auteurs rapportent la justification de ce constat en précisant que pour l’OIV, « la condition essentielle de l’attribution de ces mentions valorisantes réside dans la traçabilité, condition qui n’est pas réunie par les vins de masse que sont les vins de table (et donc les vins sans IG, NDLR). Outre qu’il est un gage d’authenticité, le rapport cépage/origine permet d’identifier les meilleures conditions d’exploitation des terroirs ».
Et cette exigence était aussi inscrite dans le droit américain, relèvent J.-P. Angers et D. Janin, qui indiquent que « les Etats-Unis n’acceptent pas la mention du millésime sur les vins européens sans indication géographique », se fondant sur des informations parues sur le site Vitisphère à la fin de janvier 2010, ni « la mention du cépage [...] car elle n’est pas conforme à leur réglementation ».
Une épine dans le pied des exportateurs
Ainsi, à en croire l'Arev, l'UE aurait bâtonné à la va-vite en 2008 une réforme de l'OCM vin – avec une réglementation sur la définition des catégories de vins et celle sur l'étiquetage dans le souci « d'offrir une approche simplifiée et une meilleure lisibilité au consommateur » – qui finalement se révèle une véritable épine dans le pied des exportateurs de vin, que ce soit vers les USA ou vers les pays tiers membres de l'OIV.
Autre sujet qui inquiète les régions européennes viticoles : les conséquences négatives que la réforme de la politique de qualité des produits agricoles de l'UE pourrait avoir sur les vins de qualité. Pour l'Arev, en envisageant la fusion des catégories AOP (appellation d’origine protégée) et les indications géographiques protégés (IGP) en une seule et unique indication géographique (IG), la Commission « nie de nouveau les différences profondes qui existent entre ces deux systèmes ».
Des différences, précise l’Arev, qui « reposent non seulement sur l’origine, mais encore sur les conditions de production et les rendements ».
« A force de simplifications, de refontes, de regroupements et de fusion sans discernement, affirme l'Arev, la Commission a ouvert des brèches où vont s’engouffrer les marques commerciales et qui vont saper le système d’appellations européen. »
« Le plus affligeant, poursuit l’Arev, c’est qu’après avoir constaté les limites de leur propre système dérégulé, les pays du Nouveau Monde sont en passe de se convertir au “terroir” et à ses mentions d’origine. »
Mobilisation tous azimuts contre la dérégulation
La Cnaoc (Confédération nationale des appellations d'origine) qui suit de près ce dossier auprès de Bruxelles, contactée par téléphone, tempère en précisant que cette histoire de fusion des labels de qualité est plutôt au point mort, tant les oppositions se font nombreuses vis-à-vis de ce projet.
En revanche, la Cnaoc reste très vigilante sur un autre aspect de la réforme de la politique de qualité de l'UE. Bruxelles souhaite introduire un « système de protection différenciée des appellations d'origine ». Selon Alexandre Imbert, juriste à la Cnaoc, cela revient à dire que des appellations bénéficiant d'une grande notoriété seraient bien mieux protégées que d'autres, plus anonymes.
De manière plus générale, la Cnaoc se mobilise au niveau européen pour que soient maintenus dans l'UE des moyens de régulation de la production de vins, en particulier pour que demeure le système des droits de plantations, actuellement amené à disparaître définitivement en 2015.
Ces mesures « sonne[nt] le glas de la conception européenne de la viticulture et l’avènement de la viticulture industrielle, avec toutes ses conséquences socio-économiques, environnementales, paysagères et culturelles », insiste l'Arev. « La future liberté totale de planter favorisera évidemment, à moyen et long terme, la création de grandes superficies, en plaine, mécanisables à outrance, avec un minimum de main-d’œuvre et produisant non pas des AOC, mais des vins sans IG avec marque commerciale, cépage et millésime. Ce ne sont pas ces grandes superficies qui manquent en Europe », s'insurgent les régions viticoles.