Un petit groupe de viticulteurs bordelais en colère (d'une cinquantaine à une centaine de personnes selon les observateurs) ont manifesté lundi après-midi devant le siège du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) qu'ils jugent « en échec » dans la gestion de la crise que traverse leur filière.
Réunis juste avant la tenue de l'assemblée générale de l'interprofession bordelaise, les manifestants, à l'appel du Comité d'action des vignerons de Bordeaux (CAVB), du Collectif des viticulteurs 33 et du Collectif interappellations, ont voulu protester contre les nouvelles dispositions de régulation de l'offre décidée par le CIVC.
« Notre interprofession objectivement est en faillite », a clamé devant la presse Dominique Techer, président du CAVB. « Aujourd'hui Bordeaux est séparé en deux », a-t-il dit, avec d'un côté, les grands crus classés « qui se vendent à des prix astronomiques et sont dans une logique spéculative », et de l'autre côté, tous les autres vins qui ne bénéficient, selon lui, d'aucune aide du CIVB.
Dans le plan interprofessionnel de sortie de crise, « il est prévu de faire baisser les rendements », a-t-il alerté, or « le problème c'est la faillite du système commercial ».
Les manifestants ont envahi la salle de l'assemblée générale pour, selon M. Techer, « donner des échos du monde réel dans la bulle du CIVB ». Il s'agissait également d'« empêcher un meurtre à huis clos », celui des producteurs sous-représentés dans l'instance officielle, d'après lui.
Dans des échanges vifs mais sans débordement, les manifestants ont dénoncé « l'opacité » des comptes du CIVB et réclamé des opérations de promotion « pour favoriser les vins de milieu de gamme ».
« Grâce au marketing, les grands crus vendent leur bouteille de vin au prix où moi je vends mon tonneau » de 900 litres, a protesté un viticulteur.
« Il nous faut nos viticulteurs », a dit le président du CIVB Georges Haushalter, insistant sur les actions du plan privilégiant « les vins de coeur de gamme ». Il faut « regarder les choses en face, la meilleure défense n'est pas l'immobilisme », a-t-il dit.
Les manifestants ont également demandé une diminution des cotisations de la petite viticulture « pour lui donner un peu de souffle ». Car les cotisations ont connu un redressement en 2010, et les viticulteurs « cotisent pour 75% des ressources du CIVB », selon M. Techer.
« Le niveau de cotisation, c'est l'équivalent de 5 centimes par litre de vin commercialisé », a précisé M. Haushalter. « Sur une bouteille à 1.200 euros, ça ne fait pas grand chose mais pour un tonneau à 800 euros, ça fait beaucoup », s'est insurgée une viticultrice.
« Dans certains cas, il faut ajuster », a estimé Eugène Julien, contrôleur général d'Etat, « quand il y a des difficultés économiques graves, la diminution de cotisations n'est pas exclue », a-t-il dit, annonçant par ailleurs un « effort » pour une meilleure communication sur les comptes.
M. Techer a protesté contre un investissement de 3 millions d'euros pour le centre culturel du vin « qui n'est pas encore sorti de terre ».
« Si Bordeaux n'a pas quelque chose qui attire les touristes, Bordeaux va péricliter », a estimé un négociant, Benoît Calvet, appelant à ne pas « se monter les uns contre les autres » et à utiliser les grands crus « comme des locomotives » pour tracter l'ensemble des vins de Bordeaux.