Après l'ONU, la Banque mondiale (BM) a mis en garde, le 29 mai, contre la hausse des prix alimentaires sur le globe – la première en près de deux ans – poussée notamment par la flambée des cours en Ukraine.
Entre janvier et avril, les prix des principaux aliments de base ont augmenté de 4 % dans le monde, mettant fin au déclin « continu » observé depuis le pic de l'été 2012, relève la BM dans son rapport trimestriel.
« Les inquiétudes météorologiques, les incertitudes politiques et les fluctuations des monnaies (qui renchérissent les coûts en cas de dévaluation, ndlr) ne sont pas dissociables les uns des autres », affirme Ana Revenga, vice-présidente de la BM en charge de la réduction de la pauvreté.
Sur les trois premiers mois de l'année, la hausse est particulièrement sensible pour le blé (18 %), le sucre (13 %) ou le maïs (12 %) et intervient en dépit de prévisions de « récoltes records » cette année, note la BM. La sécheresse persistante dans certaines régions des Etats-Unis et la forte demande mondiale, notamment en provenance de la Chine, expliquent en grande partie cette poussée. Mais la crise en Ukraine n'y est pas étrangère, note l'institution.
Flambée des cours en Ukraine
Troisième exportateur mondial de maïs et sixième de blé, l'Ukraine affiche les hausses les plus spectaculaires à l'heure où elle est plongée dans une profonde crise politique et économique. Entre janvier et avril, le maïs a ainsi vu sa valeur s'envoler de 73 % en Ukraine où le prix du blé a, lui, flambé de 37 %, tirant avec eux les cours mondiaux. « Les tensions géopolitiques en Ukraine n'ont pas encore perturbé les exportations mais pourraient avoir un impact sur la production future et le commerce si l'incertitude augmente », souligne la BM.
D'autres pays en proie à des tensions politiques et économiques ont été frappés de plein fouet. Sur un an, le prix de la farine en avril a ainsi augmenté de 70 % en Argentine. La flambée mondiale a certes été contenue par un déclin de 12 % des cours du riz, un aliment de base dans de nombreux pays du Sud. Et globalement, les prix alimentaires sont inférieurs de 2 % à leur niveau observé il y a un an.
Mais ce rapport est un nouveau signe d'un possible retournement de tendance et vient relayer les craintes déjà exprimées par les Nations unies qui ont observé en avril le même mouvement à la hausse. Le rapporteur des Nations unies pour le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, avait alors dit même craindre une période de « prix alimentaires élevés et volatils » et la possible résurgence d'émeutes de la faim.
La Banque mondiale semble partager la même inquiétude. « Au cours des prochains mois, nous devons surveiller de près ces prix pour s'assurer que de nouvelles hausses ne fassent pas peser une pression supplémentaire sur les plus défavorisés », souligne sa vice-présidente Ana Revenga.
En 2007 et 2008, la flambée des prix alimentaires avait provoqué « des dizaines » d'émeutes de la faim à travers le globe, en Inde, au Cameroun ou à Haïti, rappelle la BM. L'hypothèse d'une crise d'une telle envergure semble, certes, lointaine mais la Banque note toutefois que de nombreux incidents ont continué de sévir à travers le globe depuis ce pic.
Selon le baromètre de la BM, 51 émeutes de la faim ont été recensées dans 37 pays depuis 2007, la plupart liées à une flambée des prix et prenant pour cible les autorités. C'est le cas des crises en Tunisie en 2011 ou en Afrique du Sud en 2012, relève la BM, qui met en garde contre les conséquences de tels épisodes de tensions.
« Les chocs liés aux prix alimentaires donnent naissance aux conflits, les nourrissent et entretiennent plus généralement l'instabilité politique », met en garde l'institution.