Des échanges animés ont eu lieu au cours du colloque « Agriculture, énergies renouvelables et compétitivité » que la FNSEA, les JA (Jeunes Agriculteurs) et l'APCA (assemblée permanente des chambres d'agriculture) avaient organisé le mercredi 8 décembre 2010.
Ils concernaient le projet de décret relatif au photovoltaïque du 2 décembre 2010. S'il entrait en vigueur, ce texte suspendrait les enregistrements des dossiers pendant quatre mois à compter du 2 décembre 2010.
La FNSEA donne sa position
Pour Pascal Ferey, président de la commission environnementale de la FNSEA, la façon dont a procédé le gouvernement est « abjecte ».
« Nous comprenons que des ajustements tarifaires soient nécessaires. Mais encore une fois, le gouvernement impose un texte sans aucune concertation. Et, comme en janvier et en août derniers, les changements réglementaires imprévisibles compromettent de nombreux projets portés par des agriculteurs », s'insurge-t-il.
Devant un auditoire concerné et échaudé par cette nouvelle péripétie du dossier photovoltaïque, Pascal Ferey s'est adressé à Alexandre Sine, inspecteur des finances au ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, qui participait à une table-ronde sur le sujet : « Qui paiera les 8.000 à 15.000 € engagés par les agriculteurs si leurs projets sont rejetés par ce décret inattendu ? »
Pas de réponse de Monsieur Sine. « Le gouvernement veut purger la file d'attente des projets spéculatifs qui enchérissent les factures d'électricité des citoyens. Très bien ! Mais les projets photovoltaïques agricoles ne sont pas spéculatifs ! Nous voulons les sauver de la purge qu'entraînera ce moratoire », a déclaré Pascal Ferey.
Le syndicat majoritaire souhaite plus de concertation
« Nous souhaitons une concertation plus large avec le gouvernement. Nous contesterons ce décret, ainsi que certaines dispositions des arrêtés tarifaires de janvier et août 2010. Nous voulons un engagement plus fort de l'Etat contre les centrales au sol. Nous voulons qu'il revoit les critères d'intégration au bâti et qu'il permette aux projets sur bâtiments neufs d'en bénéficier », a-t-il martelé.
« Les agriculteurs français sont prêts à participer pour que la France atteigne les 23 % d'énergies renouvelables (ENR) en 2020. Mais pour cela, ils ont besoin que l'Etat annonce une ligne politique claire concernant la production d'ENR, en particulier pour le photovoltaïque », a ajouté Pascal Ferey.
Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA, abonde dans le même sens : « Il est urgent de cesser ce bazar ambiant autour du photovoltaïque. En la matière, les agriculteurs ne sont pas opportunistes, ils veulent être une force de proposition. »
Le gouvernement garde sa ligne directrice
Attendu au tournant par des agriculteurs porteurs de projets inquiets et des installateurs indignés, Alexandre Sine s'est exprimé.
« Nous risquons d'atteindre les objectifs en termes de photovoltaïque fixés pour 2020 en quelques mois. Or cette ENR est aujourd'hui la plus coûteuse. La suspension de l'obligation d'achat est nécessaire pour garder une croissance raisonnable, comprise dans les objectifs du Grenelle de l'environnement. La filière du photovoltaïque risque d'engendrer un surcoût de 3 milliards d'euros par an, et d'augmenter de 200 euros par an la facture des foyers chauffés à l'électricité. De plus, si nous installons un parc trop rapidement, nous aurons beaucoup de centrales qui seront bien vite obsolètes », a expliqué M. Siné.
Les représentants du SNDPEP (1) et de l'APESI (2), assis au deuxième rang, ont explosé : « Mais comment pouvez-vous affirmer de telles inepties ! » Stoïque, l'inspecteur continue : « Nous importons beaucoup de panneaux étrangers, ce qui signifie que nous subventionnons du déficit commercial. Aujourd'hui, les panneaux français ne sont pas compétitifs, quel que soit leur niveau de gamme. »
Actions en justice à prévoir
Avocat en droit de l'environnement et de l'énergie, Arnaud Gossement affiche son désaccord avec les propos du représentant du ministère. « Le problème de l'importation des panneaux chinois relève du cercle vicieux. Baissez les tarifs de rachat, et les installateurs achèteront des modules chinois plutôt que des panneaux européens pour diminuer leurs charges ! »
L'avocat rejoint l'avis de la FNSEA et du Syndicat des énergies renouvelables (SER) concernant la file d'attente des projets : « Il faut faire la transparence sur cette file d'attente : quels sont les projets qui aboutiront réellement ? Quel sera alors le vrai coût à supporter par les citoyens ? »
Et maître Gossement de s'étonner devant le manque d'anticipation du gouvernement. « Il existe des indicateurs qui rendent prévisibles l'évolution du nombre de dossiers. Malgré cela, le gouvernement s'est trouvé pris de court, changeant la réglementation trois fois en une année. Le droit est devenu fou : depuis février 2010, quinze nouveaux textes liés au photovoltaïque sont parus ! »
Arnaud Gossement craint que, à défaut de concertation, le débat aura lieu dans les tribunaux, comme cela s'est passé pour l'éolien.
« S'il y a un contentieux à mener, l'APCA et la FNSEA le feront unies », a affirmé Didier Marteau, président de la commission environnementale de l'APCA.
_____
(1) Association des producteurs d'électricité photovoltaïque indépendants.
(2) Syndicat national pour la défense de la production d'énergie photovoltaïque.
syndicat d'agriculteurs ?
dimanche 12 décembre 2010 - 20h02
Si seulement ils se battaient avec autant d'ardeur pour la défense de l'agriculture