Le gouvernement a rappelé à l'ordre la grande distribution jeudi dans sa guerre aux prix bas, même si pour l'instant aucune piste claire pour sortir de la crise n'a été trouvée.
Les ministres de l'Économie Arnaud Montebourg, de l'Agriculture Stéphane Le Foll ainsi que la secrétaire d'État à la Consommation Carole Delga avaient invité à Bercy les représentants des distributeurs, des industries agroalimentaires et des agriculteurs pour mettre le dossier sur la table.
Stéphane Le Foll, victime d'un coup de fatigue lors d'un déplacement dans la matinée dans l'Aude, a été mis au repos et c'est son directeur de cabinet qui l'a remplacé au pied levé, a-t-on appris auprès d'une de ses porte-parole.
Selon plusieurs participants interrogés par l'AFP, Arnaud Montebourg s'est montré très ferme vis-à-vis des distributeurs, affirmant même « j'aime jouer au père Fouettard, ça ne me gêne pas du tout », selon des propos rapportés par le président de la FNSEA Xavier Beulin.
« Les enquêtes de la DGCCRF (répression des fraudes, ndlr) ces dernières semaines semblent indiquer l'existence d'abus et de pratiques en contradiction avec la loi depuis le début de 2014 » comme la « demande de baisse de tarif au lendemain de la signature du contrat » ou des « demandes de ristournes non prévues au contrat et sous la menace de rupture de déréférencement », relèvent les ministres dans un communiqué.
Le gouvernement a promis qu'un rapport sur ces contrôles serait remis dans l'été et que les sanctions éventuellement prononcées seraient rendues publiques, selon plusieurs sources.
Les décrets d'application de la nouvelle loi Hamon, qui prévoit justement un durcissement de ces sanctions, seront publiés la semaine prochaine, a encore annoncé le ministre aux participants.
Sur le fond, tous sont d'accord sur le diagnostic : la spirale déflationniste actuelle sur les prix alimentaires est dangereuse et pourrait entraîner toute l'économie. Mais aucune décision claire n'est ressortie sur la façon de l'enrayer.
« Sur les pistes de sortie, on est resté sur notre faim », a expliqué à l'AFP Yves Le Morvan, directeur général délégué de Coop de France (coopératives agricoles).
« La loi fonctionne mal » et il nous faut « un cadre législatif plus précis », a-t-il plaidé. L'association des industries alimentaires (Ania) a appelé dans un communiqué « à redéfinir le cadre légal des relations commerciales ».
Xavier Beulin aussi est ressorti avec « quelques déceptions ». La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) proposait d'arrêter la publicité des comparateurs de prix qui alimentent la guerre aux prix bas mais Casino et Leclerc y sont farouchement opposés, selon lui, Casino démentant toutefois formellement tenir une telle proposition.
Sur les promotions en rayon, « on souhaite qu'elles soient utilisées à bon escient » mais là encore les enseignes n'ont pas semblé à l'écoute, a affirmé le président du premier syndicat agricole du pays.
Leclerc toujours inflexible
Chez les distributeurs, les avis semblent plus partagés. Avant même la réunion, Michel-Edouard Leclerc avait sur son blog répondu par une fin de non-recevoir. « Sur un an, les cours des produits agricoles ont sérieusement décroché : -30 % sur la pomme de terre, -10 % sur le blé, -12 % sur le maïs, -7 % sur le sucre... Expliquez-nous pourquoi les distributeurs n'auraient pas le droit d'exiger des diminutions de tarifs », se demande le patron du groupe éponyme.
A la FCD, qui représente toutes les enseignes à l'exception de Leclerc, Super U et Intermarché, le ton était un peu plus ouvert.
« La réunion, utile, a permis de poser un constat commun », a rapporté à l'AFP Jacques Creyssel, délégué général de la fédération.
Et la FCD assure être réceptive à la demande du gouvernement « de mise en avant de l'origine France, pour certaines filières plus particulièrement fragiles ».
Elle est favorable également à la mise en place d'un label « négociations commerciales responsables » mais qui différencierait les PME (majoritaires dans l'agroalimentaire) des grands groupes, une distinction que ne souhaitent justement pas les industriels.
Enfin, la secrétaire d'État a « invité les participants à réfléchir à des bonnes pratiques sur les comparateurs de prix » et promis que les comparateurs « seront contrôlés par la DGCCRF ».