Le droit à l'alimentation doit être la priorité absolue de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), a estimé mercredi le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter.
Dans un communiqué publié par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, un mois avant la Conférence ministérielle de l'OMC, M. De Schutter ajoute que le monde traverse une grave crise alimentaire qui nécessite une réponse rapide, que l'OMC n'a pas réussi à donner.
Les « pays en développement sont inquiets à juste titre, de voir que leurs mains sont liées par des règles commerciales », a-t-il ajouté.
« La sécurité alimentaire est un problème de la dernière heure que l'OMC doit traiter. Le commerce n'a pas réussi à nourrir les affamés lorsque la nourriture était bon marché et abondante, et maintenant que les prix sont plus élevés, il n'y arrive toujours pas », a-t-il dit.
Selon lui, la facture des importations alimentaires des pays les moins avancés a augmenté de 30 % l'année dernière.
Le G20 a reconnu que la dépendance excessive aux importations alimentaires a rendu la population dans les pays en développement de plus en plus vulnérable aux hausses des prix.
« L'OMC doit à présent faire le même constat », a estimé M. De Schutter.
L'avenir des négociations de Doha sur le commerce mondial est à l'ordre du jour de la conférence ministérielle de l'OMC, qui se tiendra du 15 au 17 décembre 2011 à Genève.
« Nous devons éviter les solutions à court terme, pour sauver la face, a estimé M. De Schutter, et saisir plutôt l'occasion de voir quelles catégories de règles commerciales vont nous permettre de combattre l'insécurité alimentaire. »
Des tarifs douaniers plus élevés, des restrictions temporaires à l'importation et des subventions agricoles sont les mesures les plus adaptées à rétablir la production agricole locale des pays en développement, a estimé l'expert indépendant.
L'OMC n'autorise ce genre de mesures que de façon très restrictive, selon le rapporteur de l'ONU.
La constitution de réserves alimentaires en Afrique a lieu dans un contexte très difficile, à cause des règles de l'OMC, a ajouté l'expert de l'ONU, selon qui « c'est le monde à l'envers, les règles de l'OMC devraient tourner autour du droit fondamental à une alimentation, et non l'inverse ».
L'OMC fonctionne selon un schéma dépassé, selon lequel la hausse du commerce mondial est un but en soi ; il vaut mieux encourager le commerce quand il a pour conséquence une amélioration du bien-être à la population, a ajouté en substance M. De Schutter.
« Si le cycle de Doha doit continuer, il doit lever des contraintes qui pèsent sur les politiques qui visent à sécuriser le droit à l'alimentation », a poursuivi M. De Schutter.
Et de citer les mesures de stockage alimentaire, pour réduire la volatilité des prix, et l'encouragement à une production alimentaire locale.
Le rapporteur spécial a encore lancé un appel pour la mise en place d'un groupe d'experts chargés de réconcilier les intérêts du commerce avec ceux de la sécurité alimentaire.
Olivier de Schutter a été nommé rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation en mai 2008 par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU.