Lors du Sommet de l'élevage, à Clermont Ferrand, l'Inra a organisé un colloque très suivi intitulé « De la douleur au bien-être des animaux d'élevage ». La société est de plus en plus sensible à la douleur que pourraient ressentir les animaux. Au risque de prêter aux animaux le ressenti des humains. Pour éviter cet écueil, les ministères de l'Agriculture et de la Recherche ont demandé aux chercheurs de l'Inra d'expertiser ce sujet de plus en plus polémique.
Première étape : les chercheurs proposent une définition de la douleur. « C'est une expérience sensorielle et émotionnelle aversive représentée par la « conscience » que l'animal a de la rupture ou de la menace de rupture de l'intégrité de ses tissus », a précisé Pierre Le Neindre de l'Inra.
Le travail d'expertise a pour but d'identifier les alternatives qui limitent la douleur. Des démarches dites trois S sont à l'étude : supprimer la source de la douleur quand elle n'apporte aucun avantage, substituer une technique à une autre moins douloureuse et, enfin, soulager la douleur par des traitements.
Alain Boissy a mené une étude sur des agneaux. Celle-ci a permis de décrypter leurs émotions : ils sont capables de ressentir peur, colère ou plaisir et joie. L'analyse attentive de leur comportement devrait à terme permettre de privilégier les techniques d'élevage qui sollicitent leurs émotions positives et améliorent leur qualité de vie. Et in fine leur performance.
Selon Xavier Boivin, éthologue (1), l'amélioration du bien-être animal passe par le choix d'animaux adaptés à leur environnement, l'aménagement de cet environnement mais aussi par les expériences vécues par les animaux au contact de l'homme. A ce propos, l'attention portée à la relation homme-animal profite à l'animal mais aussi à l'homme (moindre mise en danger lors des manipulations, performances plus élevées...).
Un programme baptisé « quality handing » est en cours de mise au point : il décrira comment les réponses des animaux varient d'une ferme à l'autre, comment la peur de l'homme peut affecter la productivité et les manipulations, comment se construit une relation positive homme-animal et, enfin, comment améliorer dans chaque exploitation cette relation. Ce programme en cours de mise au point pourra être utilisé en formation par les techniciens d'élevage.
« La douleur n'est plus inévitable », a conclu Jean-Baptiste Coulon, soulignant que le travail de recherche va se poursuivre « sans concession et sans extrémisme ». Selon le chercheur, la durabilité des exploitations passera par trois dimensions : l'économie, l'environnement et el bien-être animal.
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(1) L'éthologie (ethos : « mœurs », logos : « étude/science ») est l'étude du comportement animal.