Le groupe Agrica a organisé jeudi un colloque « Nouveau monde, nouvel avenir ? » au cours duquel les intervenants ont montré que la France a un avenir si elle adopte un management beaucoup plus collaboratif dans ses entreprises.
Augustin Landier, professeur à l'Ecole d'économie de Toulouse, a planté le décor. Deux grandes lignes de forces se dégagent en économie : la globalisation et la dématérialisation, a-t-il expliqué. Inutile de tenter de recréer les grandes entreprises qui s'en vont ailleurs ou se meurent.
Selon lui, « l'idée de la ré-industrialisation est en elle-même dangereuse. Le modèle à suivre n'est pas l'Allemagne qui a toujours été plus industrialisée que la France mais plutôt les États-Unis. Nous sommes à une frontière technologique ».
L'Etat doit laisser s'exprimer la création qui est très vivante en France, et renforcer l'acquisition de connaissances en se penchant sur l'éducation. « Le capital humain et son savoir-faire sont devenus les premières valeurs de l'entreprise », a-t-il ajouté.
Il est rejoint dans son analyse par Éric Albert, de l'Institut français d'action sur le stress. « Le bien-être au travail devient une absolue nécessité. Il y a de plus en plus d'horizontalité dans les entreprises nouvelles. Ce qui compte, c'est la motivation des équipes, le projet de l'entreprise, la créativité. Les salariés ne sont plus à l'aise dans les modèles verticaux traditionnels en France où le chef va décider qui il va récompenser et donc a contrario qui sera puni. Cela donne au dirigeant l'illusion qu'il maîtrise ce système rigide. Dans les modèles collaboratifs qui se mettent en place dans les start-ups, les acteurs participent, prennent des initiatives sans autre rémunération que le plaisir d'avancer, l'envie ».
Selon lui, le modèle éducatif français fondé sur la performance induit souvent une mésestime de soi, l'individualisation des résultats, la valorisation de quelques hommes providentiels. « En France, il y a un véritable goût pour l'entreprenariat, la prise d'initiatives. La France a une avance là-dessus. Les enjeux du futur sont managériaux. Chez Google, les ingénieurs disposent de 15 % de leur temps pour mener leurs propres actions. C'est comme cela que Google Earth a été inventé. Et 50 % de l'innovation chez eux vient de ce temps laissé libre. »
Selon Gilles Babinet, entrepreneur du secteur numérique, qui vit entre France et États-Unis, notre pays a toutes ses chances dans le futur vu sa créativité, à condition de ne pas confondre pessimisme et esprit critique. Il reste à inventer une nouvelle relation dans ce monde vertical entre la masse des individus qui ont une part des connaissances et les experts.
Pour lui, « le principe de précaution est dangereux : la société a créé le code civil après la première révolution industrielle et le code du travail après la deuxième révolution industrielle. Nous vivons la troisième révolution. Il faudra repenser les lois à la lumière des innovations et non en les bridant à l'avance. Et ne pas hésiter à se demander : est-ce que le travail va se définir comme aujourd'hui ? Pourquoi faire ce que la machine fait mieux et plus vite ? Est-ce que la propriété industrielle va continuer à exister ? Aujourd'hui, les plus grands innovateurs laissent leur innovation en accès libre. Et si les autres s'en emparent, c'est que l'idée est bonne ».