Le ministre du Travail, Michel Sapin, a assuré le lundi 2 décembre 2013 aux députés qu'il ne « fléchirait » pas sur la difficile renégociation en cours de la directive européenne sur les travailleurs détachés, et a reçu le soutien de l'UMP.
« La France tient une position extrêmement ferme et travaille avec acharnement à une solution. Je ne fléchirai pas », a-t-il assuré lors d'un débat à l'Assemblée nationale, à quelques jours d'une réunion des ministres européens du Travail, le 9 décembre, présentée comme la réunion de la dernière chance pour trouver un compromis avant les élections européennes.
Les 28 Etats membres de l'UE sont très divisés sur un renforcement de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs dans l'UE. Celle-ci prévoit que le « noyau dur » des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...) mais que les cotisations sociales sont dues dans le pays d'origine.
Faute de contrôle efficace, cette directive fait l'objet de nombreux abus de toutes sortes, notamment dans les entreprises sous-traitantes dans la construction, le BTP et l'agroalimentaire. De nombreuses entreprises de ces secteurs sont dans des « stratégies d'optimisation sociale », affirme le socialiste Gilles Savary, co-auteur d'un rapport parlementaire sur le sujet. Certaines entreprises envoient des salariés détachés sans les déclarer ou leur facturent par exemple des frais d'hébergement pour abaisser le salaire versé ; d'autres emploient des travailleurs français via une filiale « boîte aux lettres » dans un pays à faibles cotisations sociales, etc.
350.000 travailleurs détachés en France
La Commission européenne a présenté, en mars 2012, un projet de directive pour limiter ces abus mais les 28 sont divisés sur deux points en particulier : la liste des documents exigibles en cas de contrôle administratif et la mise en place d'un dispositif obligatoire pour identifier et, le cas échéant, poursuivre le donneur d'ordre, tous secteurs confondus.
Le Royaume-Uni et certains Etats d'Europe centrale s'opposent à ce renforcement de la réglementation réclamé par la France, l'Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique. « La responsabilité solidaire doit être obligatoire, en particulier dans le BTP », et les Etats membres qui veulent l'étendre à d'autres secteurs doivent pouvoir le faire, a estimé M. Sapin. « Nous ne voulons pas laisser la concurrence déloyale s'installer et précariser les systèmes sociaux des pays avancés », a-t-il dit.
Le nombre de travailleurs détachés déclarés en France, qui était de 170.000 en 2012, a progressé de 30 % en 2013, a indiqué le ministre. En réalité, selon lui, le nombre de ces travailleurs est « plus proche de 350.000 », en comptant les non-déclarés, dont près de la moitié dans le BTP.
Lors du débat, l'ex-ministre Laurent Wauquiez (UMP) a apporté son soutien au gouvernement dans cette négociation. « Nous vous soutiendrons sur ce sujet car il est indispensable pour l'Europe d'évoluer », a déclaré M. Wauquiez. « La situation est trop grave pour s'accommoder de petits compromis », a-t-il cependant prévenu.