La libéralisation du commerce est l'une des pistes contre l'envolée des prix alimentaires, ont estimé les ministres de l'Agriculture d'une cinquantaine de pays, ainsi que le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy, réunis à Berlin. Mais chacun cherche d'abord à défendre ses propres intérêts.
« Le combat contre la faim figure tout en haut des priorités de la communauté internationale », a assuré samedi la ministre allemande, Ilse Aigner, au terme de ce sommet organisé dans la cadre de la Grüne Woche de Berlin, un important salon agricole.
Car si la demande est en hausse constante, l'offre ne suit pas, ont reconnu les ministres. Il se sont montrés aussi unanimes sur les causes de la pénurie que sur les conséquences : instabilité sociale et émeutes de la faim menacent à nouveau.
En apparence, les pays présents sont aussi d'accord sur les pistes à suivre pour résoudre ces problèmes : augmentation de la production par une hausse des rendements et libéralisation du commerce.
Chances de conclure Doha cette année « nettement nettement meilleures »
« Le commerce est une partie de la solution, pas du problème», a assuré le directeur général de l'OMC, Pascal Lamy. A moyen et long terme, le cycle de Doha peut contribuer à répondre aux problèmes de crises alimentaires en supprimant beaucoup de restrictions et de distorsions, comme les subventions à l'exportation, a-t-il mis en avant.
Pascal Lamy a aussi estimé que les chances de conclure cette année le cycle de Doha étaient « nettement meilleures que l'an dernier à la même époque ». « On est plutôt dans une période de "go" après deux ans d'une période de "stop", ou du moins d'avancées très lentes », a déclaré le directeur général de l'OMC. « Le contexte politique est plus engagé, plus favorable », a-t-il encore jugé, « ce n'est pas infaisable ».
« Il est important d'ouvrir les frontières » pour certains produits, a plaidé la ministre kenyane, Sally Jepngetich Kosgey, à Berlin.
Les intérêts divergent
Mais les intérêts divergent. « Chacun cherche d'abord à soutenir sa propre infrastructure, et ensuite à commercer avec les autres », a résumé le ministre canadien Gerry Ritz.
« Il existe des barrières dans certains pays pour protéger la sécurité alimentaire », a reconnu l'Ukrainien Mykola Prissiajnouk. Sixième producteur mondial de blé, son pays a récemment prolongé des restrictions d'exportation jusqu'à mars, après une terrible sécheresse en 2010, une mesure qui est loin de ravir nombre d'acteurs du secteur, en Ukraine même.
« Nous ne pouvons pas dans le même temps demander le respect de (certaines) règles, et ouvrir tout grand nos frontières à des produits qui ne (les) respectent pas », a argumenté le ministre français, citant les normes de qualité et environnementales.
La lutte contre la spéculation sur les marchés des matières premières agricoles, incriminée dans la flambée de prix actuelle, est plus consensuelle.
Tout en reconnaissant que « les fluctuations de prix font partie du marché », Ilse Aigner a estimé que « les produits agricoles (n'étaient ) pas comme les autres » et ne (devaient) pas devenir « des instruments pour flambeurs ».
La France a mis le sujet au menu de sa présidence du G20, a souligné Bruno Le Maire. « Il y a aujourd'hui une incertitude totale » sur les volumes disponibles des denrées agricoles, a-t-il dit, « ce n'est pas normal qu'il y ait aussi peu d'information ». Selon lui, « la transparence fera la stabilisation du marché ».
Il a assuré avoir reçu un très bon accueil sur ce sujet, même si la France « continue à discuter » avec des pays moins réceptifs, comme la Chine et les Etats-Unis, absents à Berlin.