A l'occasion de leur cinquantième anniversaire, les Safer avaient invité leurs pères fondateurs à débattre, jeudi, au congrès de Lyon.
Marcel Deneux fit partie des quatre jeunes qui, comme Michel Debatisse, négocièrent au nom du CNJA , les lois de 1960 auprès de Michel Debré, puis celles de 1962 auprès d'Edgar Pisani.
Il rappela au congrès combien « pour les jeunes issus de la Jac (Jeunesse agricole catholique), il devenait vital que le foncier soit enfin considéré comme un outil de travail et non plus comme une rente ». Un argument qui heurtera de plein fouet les propriétaires.
Le général de Gaulle, alors président de la République, estimait qu'« un pays qui ne se nourrit pas, n'est pas un grand pays ». Il recevra plusieurs fois ces jeunes à l'origine de la révolution silencieuse des campagnes.
« Nous avions négocié le droit de préemption contre la liberté du marché foncier », se rappelle encore Marcel Deneux. « Nous nous sommes fait taxer de marxistes. Heureusement, nous avions des évêques avec nous », s'amuse encore cet ancien de la Jac à la mémoire vive.
Il faudra une vingtaine d'années pour que les Safer qui aboutiront vraiment en 1962 s'installent dans toutes les régions : la dernière sera créée dans les années 1980.
Dans les années 2000 cependant, ses détracteurs qui n'ont pas désarmé, gagnent du terrain et espèrent enfin leur démantèlement. La crise de 2007 et la montée inexorable de la pression foncière redonnera, si cela était nécessaire, de la légitimité aux Safer.
Mais tout ne va pas de soi. Il y a ceux qui, au nom du libéralisme ou du droit de la propriété, veulent toujours les supprimer ou leur rogner les ailes. « Et parfois les modernistes d'hier sont les conservateurs du jour », a lâché, sibylline, Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA.
Revendications de la Confédération paysanne
Il y a ceux qui trouvent qu'elles devraient aller plus loin, intervenir davantage en révision de prix. Parmi eux, la Confédération paysanne qui siège au sein de comités techniques départementaux, réclame toujours sa place au sein des conseils d'administration.
Des militants du Rhône-Alpes du syndicat minoritaire, à l'image de Laurence Ferrini, l'ont d'ailleurs rappelé, jeudi, en dressant des banderoles devant le palais des congrès.
« Nous voulons une égalité de traitement pour tous les acteurs du foncier, la publication sur internet des notifications des notaires, des projets d'acquisition, des appels à candidature », ont expliqué les militants de la Confédération paysanne.
« Attention, nous sommes plus fragiles que vous ne le pensez », leur a répondu André Thevenot, président de la FNSafer, venu débattre avec eux.
Nécessité d'informer
Pour ou contre les Safer, c'est toujours autour des attributions de terre que se cristallisent les débats. André Thevenot a rappelé que les décisions des comités techniques sont quasi toujours validées, qu'il y a peu de contentieux en définitive. « Quand nous avons à trancher entre huit candidats à la reprise, si nous retenons deux candidatures, il y aura au moins six déçus », a-t-il expliqué.
D'où la nécessité d'informer, selon Franck Sander, Jeune Agriculteur d'Alsace, passionné par la question foncière. « Aux détracteurs de la Safer, je demande : et si les Safer n'avaient pas existé ? Mais cela ne suffit pas : prendre ses responsabilités, c'est aussi choisir en argumentant puis en expliquant aux agriculteurs qui ne siègent pas aux comités le sens de nos choix. »
« Attention cependant à bien regarder sans a priori chaque dossier, à ne pas faire le choix d'un seul mode de développement de l'agriculture » a rappelé, en conclusion, un responsable Safer du Rhône-Alpes.
« Ne laissons pas les autres acteurs penser à la place des paysans »
Enfin Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA, est intervenu après des représentants de l'Ecologie, des agences de bassin et des collectivités locales recadrant les termes du débat : « Si parfois l'usage de la terre peut être assimiler à un bien public, la terre n'est pas un bien public. Ne laissons pas les autres acteurs penser à la place des paysans. » Un débat qui n'est jamais clos.
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