Alors que la bromadiolone est menacée d'interdiction, les prairies sont ravagées et les trésoreries des éleveurs mises à mal par des invasions persistantes de rats taupiers.
« J'ai piégé cent rats sur un demi-hectare de prairies permanentes, c'était effrayant ! annonce Jean Vernet, installé à Marcenat, dans Cantal. Depuis 2007, je perds régulièrement 35 % de fourrages et autant d'herbe pâturée. Cela devient intolérable ! »
L'exploitation, située à 1.200 mètres d'altitude, compte 102 hectares de prairies naturelles, toutes touchées par une pullulation de rats taupiers depuis les années 2000.
« 2010 a été l'apothéose, soulignent Jean Vernet et ses voisins proches, Jean-Louis et Robert Brandely, installés au Fayet sur 99 ha. Nous nous promenons avec notre canne distributrice de blé empoisonné à la bromadiolone, mais cela ne peut suffire à détruire de telles populations ! Nous usons notre matériel de fauche et respirons de la terre tout l'hiver en manipulant le foin. Il est impossible de faire de l'ensilage. Nous pensons qu'à terme, va se poser un problème de santé publique avec une nuisance de la qualité de l'eau. »
Une étude de la FDGedon (Fédération de lutte et défense contre les organismes nuisibles) du Cantal chiffre la perte liée à ces invasions de rats taupiers entre 8.000 et 25.000 euros par exploitation. « 41.000 ha de surfaces en herbe sont touchés dans le Cantal. Des cantons comme Salers, Riom-ès-Montagne, le Cézallier et les monts du Cantal ont enregistré un pic en 2010, explique Pierre Lestrade, à la FDGedon. Avec une perte fourragère de 30 % à 60 %, les pertes financières s'élèvent entre 6 et 10 millions d'euros. Cette crise s'ajoute à la crise économique ! »
Les trésoreries n'autorisent pas toujours des achats de foin, dont les prix grimpent à des niveaux de plus en plus élevés. Les granges se vident et les éleveurs sont inquiets de l'état de leurs parcelles à la prochaine mise à l'herbe. Le département du Puy-de-Dôme est lui aussi touché sur près de 40.000 ha où un pic de pullulation devrait être atteint en 2011.
« Le problème n'est pas réglé aujourd'hui, analyse Corinne Martins, de la Fredon. Les causes de ces invasions sont multifactorielles. Une lutte précoce et collective en basse densité porte ses fruits. La difficulté est de savoir quand et où traiter pour être efficace car les niveaux d'infestation varient d'une parcelle à l'autre. Nous sommes confrontés à un problème d'envergure nationale. »
La Fredon de l'Auvergne travaille avec celle de la Franche-Comté. Un bulletin de santé végétale est édité tous les mois pour les éleveurs qui disposent d'un site d'informations utiles : Campagnols.fr.
Une épée de Damoclès sur le bromadiolone La bromadiolone, un anticoagulant et seul poison efficace contre les rats taupiers, est menacé de ne plus être homologuée par l'Union européenne. Une dérogation a été obtenue jusqu'au 31 mars 2011. Les professionnels se battent pour la prolonger au moins sur 2011. Ils montent au créneau pour obtenir un soutien financier aux éleveurs pour compenser les coûts générés par ce fléau : pertes fourragères, lutte contre les rats taupiers, usure prématurée du matériel de fauche, remise en état des prairies, problèmes sanitaires (butyriques dans le lait, fractures des pattes des animaux...). |