Les éleveurs de montagne des Pyrénées centrales, déjà mobilisés contre la réintroduction d'ours, se plaignent désormais d'agressions de vautours contre des bêtes bien portantes alors qu'ils se nourrissent normalement d'animaux morts.
Les officiels du parc national des Pyrénées (PNP) récusent cependant les accusations selon lesquels ces animaux protégés seraient en passe de se muer de « charognards » en « prédateurs ».
Le chef du service scientifique du parc, Eric Sourp, reconnaît simplement que « certains vautours en situation de famine peuvent s'attaquer à des animaux blessés, affaiblis, ou en situation de vulnérabilité comme lors d'un vêlage à problème ».
Philippe Serres, responsable de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), ajoute diplomatiquement que « les dégâts sont minimes mais pour des éleveurs en difficulté économique, ça peut-être la goutte d'eau qui fait déborder le vase ».
Les divers protagonistes ne s'accordent que sur l'ambiance « particulièrement lourde » entre montagnards et protecteurs de l'environnement.
En marge d'une manifestation contre la réintroduction des ours dans les Pyrénées le 1er juillet à Saint-Girons (Ariège), le coprésident de l'Association pour la sauvegarde du patrimoine pyrénéen (ASPAP), Gérard Dubuc, déclarait : « Les vautours s'attaquent maintenant à des bêtes vivantes, mais on nous prend pour des menteurs. »
Un éleveur de moutons d'Hautacam (Hautes-Pyrénées), Jean-Pierre Prat, 39 ans, déclare six bêtes tuées en trois semaines et a fait monter deux fois à l'estive les agents du parc national cette semaine.
« Mercredi matin, j'ai trouvé une brebis encore vivante, percée sur le dos et sur l'arrière, il y avait du duvet de vautour à côté et une trentaine étaient perchés sur une falaise à 200 mètres », explique-t-il, convaincu que ses brebis ont été attaquées bien portantes.
Le chef de secteur du parc national des Pyrénées, Jean-Paul Crampe, est plus prudent. « La brebis avait des traces d'attaque, mais aussi des hématomes qui ne peuvent être imputables au vautour : on ne peut pas dire si elle a été attaquée parce qu'elle était tombée ou l'inverse », explique-t-il.
Ce diagnostic hérisse M. Prat : « Ils n'en ont rien à foutre des brebis, ils sont pour les vautours. Ces rapaces ont leur utilité pour nettoyer les carcasses, mais il y en a trop et avec leurs réactions il faut faire quelque chose, j'irai jusqu'au préfet et aux élus », lance-t-il.
Quand les vautours sont devenus une espèce protégée, en 1976, rappelle Philippe Serres, il n'y avait plus que quelques dizaines de couples dans les Pyrénées françaises, bien moins qu'en Espagne. Leur nombre s'est ensuite « développé de manière considérable jusqu'au début des années 2000 », précise-t-il.
Eric Sourp explique qu'il y a eu une explosion des plaintes d'éleveurs en 2007 du côté français, de 40 à 130 environ, quand l'Espagne a appliqué plus strictement les directives européennes limitant les charniers de carcasses d'animaux morts.
« Les vautours festoyaient jusque-là, ils étaient 5.000 couples en Espagne contre 500 à 600 en France. Ils ont dû se remettre à chercher leur nourriture, il y a eu des morts, d'autres sont venus dans les Pyrénées centrales françaises », peu habituées à leur présence, ajoute-t-il. Selon M. Sourp, le nombre d'attaques a baissé à nouveau depuis, avec 85 plaintes en 2009.
Les organisations agricoles veulent une indemnisation des pertes de brebis liées aux vautours. Sans l'exclure, « lorsque la preuve est faite de l'attaque d'un animal vivant », le responsable de la LPO appelle au calme : « Il faut raison garder, les services des vautours sont tellement plus importants que leurs nuisances. »