La direction de Goodyear France a annoncé, le mardi 28 mai 2013, ne pas avoir trouvé de repreneur pour son usine d'Amiens-Nord, ce qui devrait condamner le site et ses 1.173 emplois, même si les syndicats espèrent encore faire invalider le plan social par la justice.
Le groupe a expliqué au comité central d'entreprise (CCE) que trois fabricants de pneumatiques, qui s'étaient manifestés dans un premier temps, n'avaient pas donné suite et que deux fonds d'investissement, sans expérience dans le secteur, avaient été écartés, faute de garanties. La recherche de repreneurs, engagée par l'Agence française des investissements internationaux (AFII), lancée en février et qui vient de s'achever, a été « très exhaustive » et menée « à travers le monde, notamment en Asie, en Europe et en Amérique du Nord », selon la direction du groupe.
« Nous avons demandé à l'entreprise de proposer des mesures exemplaires d'accompagnement visant à permettre aux salariés qui seraient licenciés de retrouver au plus vite un emploi », ont indiqué les ministres du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et du Travail, Michel Sapin, dans un communiqué. La nouvelle a été accueillie avec une certaine indifférence par les représentants syndicaux. « Ça n'est pas un scénario-catastrophe. C'est un scénario que l'on envisageait depuis le début. La direction de Goodyear est dans une partie de poker menteur depuis maintenant six ans », a dénoncé Mickaël Wamen (CGT, majoritaire), sur la chaîne I-Télé. « Cela n'intéressait pas Goodyear de trouver un repreneur, ça lui aurait fait un concurrent de plus », a réagi le délégué CFDT, Didier Raynaud.
Les syndicalistes placent davantage leurs espoirs dans la contestation, devant la justice, du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) annoncé le 31 janvier. L'affaire sera examinée lundi par le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine). « Nous attendons avec impatience » l'audience, a expliqué Frank Jurek, délégué syndical de la CGT. En 2008 et en 2010, la justice avait déjà bloqué deux fois des plans sociaux de la direction de Goodyear pour l'usine d'Amiens-Nord.
Devant le CCE, la direction de Goodyear a par ailleurs affirmé que le projet de Scop (coopérative) formulé par la CGT ne représentait pas une « solution au problème des pertes récurrentes de l'activité ». Selon elle, le projet consistait en réalité en une simple activité de sous-traitance de production pour le compte de Goodyear et « n'apportait donc pas de solution au problème des pertes récurrentes de l'activité ». « Aucune garantie en matière d'emploi n'était par ailleurs offerte », a-t-elle insisté.
Une réaction « injuste » car ce projet était « monté sur le même dossier que Titan », groupe américain un temps intéressé par la reprise de la production de pneus agricoles, a dénoncé M. Jurek (CGT). « Goodyear a, en réalité, signé un accord mondial avec le groupe Titan en 2005. Il prévoyait, il prévoit toujours, que Goodyear cède l'intégralité de son activité agricole dans le monde », a affirmé M. Wamen. Le leader syndical (CGT) accuse Goodyear d'avoir déjà délocalisé une partie de sa production de pneus agraires au Brésil, où ils seraient fabriqués par Titan. « Je l'ai vérifié lundi moi-même : des pneumatiques de la marque Titan sont entreposés dans le dépôt situé à l'usine d'Amiens-Nord. D'où viennent ces pneus ? Ils viennent tout simplement de São Paulo », a-t-il affirmé sur I-Télé.
« Titan est quasi une filiale de Goodyear, qui a été créée pour récupérer les bénéfices de l'activité agricole », par des actionnaires « qui sont grosso modo les mêmes », a renchéri Virgilio Mota da Silva (syndicat Sud). M. Wamen demande aux ministres de l'Economie et du Redressement productif d'agir pour faire condamner Goodyear.
Lors du CCE, la direction de Goodyear a indiqué avoir « rappelé les informations factuelles qui démentent formellement les allégations de délocalisation évoquées par certains représentants du personnel ».