Les salariés de Spanghero, l'entreprise de Castelnaudary (Aude) au cœur du scandale de la viande de cheval, ont vu leurs craintes se réaliser quand l'administrateur judiciaire leur a annoncé, le mardi 28 mai 2013 dans l'après-midi, la suppression de la totalité de leurs 240 emplois, tout en gardant la porte ouverte à une reprise partielle du personnel.
Le ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot, a assuré que ses services faisaient tout « pour que l'histoire [de Spanghero] ne s'arrête pas là » et pour trouver un repreneur à une partie de l'activité d'ici au 5 juin 2013, échéance d'un nouveau répit accordé par l'administrateur judiciaire.
Sur place, les salariés ont surtout retenu l'annonce, de la part de l'administrateur, Christian Caviglioli, que son plan social toucherait la totalité du personnel, faute de plan de reprise viable à ce jour. Et la situation s'est nettement tendue lorsque les salariés ont découvert les mesures d'accompagnement – selon eux beaucoup trop faibles – présentées par Lur Berri, la coopérative basque encore propriétaire Spanghero. « Une coquille vide », a commenté la représentante de la CFE-CGC, Marie Favié, tandis que son collègue de FO, Jérôme Lagarde, s'emportait : « Ils nous prennent pour des cons. »
Plusieurs dizaines de salariés ont ainsi laissé exploser leur colère après plus de trois mois d'une déconfiture qu'ils n'avaient pas imaginée avant que le scandale n'éclate, à la mi-février 2013. Pendant près de sept heures, ils ont empêché l'administrateur judiciaire et des représentants de Lur Berri de quitter les lieux. Ce n'est que dans la nuit de mardi à mercredi, peu avant 02h00, que l'administrateur et les dirigeants ont été autorisés à quitter les lieux après avoir pris des engagements par écrit sur les mesures d'accompagnement du plan social.
Lur Berri et l'administrateur doivent ainsi soumettre des propositions, d'ici à vendredi midi, sur les trois principales revendications des salariés, a indiqué à la presse le secrétaire général de la préfecture de l'Aude, Olivier Delcayrou, venu avec le maire de Castelnaudary, Patrick Maugard, faire office de médiateur pour lever le blocage complet des négociations. Les salariés réclament à Lur Berri le versement de trois mois de salaire par année d'ancienneté, la prise en charge de leur mutuelle pendant un an et le versement d'une prime de fin d'année complète. Les nouvelles propositions de Lur Berri seront discutées lors d'une réunion du comité d'entreprise, le 5 juin.
Plus tôt, dans la journée de mardi, comme les salariés le redoutaient, l'administrateur avait annoncé à leurs représentants au comité d'entreprise un plan social global. Il avait cependant accordé un délai de grâce supplémentaire d'une semaine pour laisser leur chance à deux projets de reprise d'une partie de l'activité qui n'avaient pas pu être finalisés avant mardi. Chez les salariés, la colère le disputait à la résignation. « Je suis écœurée », disait Chantal Malherbe, avant le début du comité d'entreprise. A 51 ans, elle a passé quatorze années dans la société fondée par les anciens joueurs de rugby Laurent et Claude Spanghero, reprise en 2009 par Lur Berri.
Le ministre délégué, Guillaume Garot, a souligné que « le prochain CE est fixé au 5 juin 2013 et que le temps nous est donné pour travailler à une solution jusqu'au bout ». Il a admis que le délai était court, mais « chaque heure, chaque jour sera mis à profit », a-t-il promis. A ce jour, deux plans de reprise ont été élaborés : par des salariés d'un côté, et de l'autre par l'ancien propriétaire, Laurent Spanghero, avec le concours d'au moins un investisseur. Mais les financements de ces projets sont encore jugés insuffisants.
Une mission du Conseil général de l'agriculture et des espaces ruraux aidera à « muscler » ces offres, a indiqué M. Garot, qui a évoqué aussi la recherche d'autres investisseurs.
L'entreprise Spanghero était aux abois depuis qu'elle a été désignée, à la mi-février, comme un responsable primordial du scandale européen de la viande de cheval. Spanghero, surtout spécialisée dans la transformation de viande et la fabrication de plats préparés, est accusée d'avoir sciemment revendu du cheval à la place de bœuf à des entreprises produisant elles-mêmes des plats cuisinés comme des lasagnes pour de grandes marques ou de grands distributeurs.
Spanghero, poids lourd économique régional, qui revendiquait 360 salariés avant le scandale, espérait se rétablir il y a encore quelques semaines, même à effectifs réduits. Mais, de l'avis général des salariés, la révélation a posteriori (le 19 mars) de la découverte, dans l'entreprise, de viande de mouton britannique prohibée en même temps que la viande de cheval a mis l'entreprise à genoux.