La Commission européenne a proposé mercredi une réforme des règles d'importation des OGM autorisés à l'échelle de l'UE pour une utilisation dans l'alimentation animale ou humaine. Selon Bruxelles, la nouvelle législation va donner aux Etats membres « plus de liberté pour restreindre ou interdire sur leur territoire » ces OGM. « Des changements sont nécessaires pour tenir compte de l'avis de l'opinion publique dans les Etats membres et permettre à des gouvernements nationaux de faire davantage entendre leur voix », juge la Commission dans un communiqué.
Cela reflète la volonté du président de l'exécutif européen, Jean-Claude Juncker, de mieux « prendre en compte les préoccupations » et sensibilités des États et citoyens européens, a souligné lors d'un point de presse la commissaire en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, citée par l'AFP.
La nouvelle législation maintient le système actuel qui contraint la Commission à ouvrir le territoire européen aux importations d'OGM en l'absence de majorité de blocage des États, si l'Agence de sécurité alimentaire conclut qu'ils sont sans risque. Mais elle introduit la possibilité pour les États de refuser l'utilisation d'OGM sur leur territoire, s'ils peuvent invoquer « des motifs légitimes ». L'UE a avalisé le mois dernier une réforme similaire pour l'autorisation des cultures OGM.
La proposition doit encore être négociée entre les États et le Parlement européen. En vertu des règles actuelles, 58 OGM ont reçu l'autorisation d'importation dans l'UE, essentiellement pour l'alimentation animale. A chaque fois, l'exécutif européen a dû trancher, même en trainant les pieds, faute de consensus au sein des États (environ 40 % pour, 35 % contre et 25 % abstentionnistes).
Un texte contesté de toutes parts
Mais le texte proposé par Bruxelles fait l'unanimité contre lui. Ainsi, cinq organisations environnementales, dont Greenpeace et les Amis de la Terre, ont dénoncé ce projet comme une violation des engagements pris par M. Juncker pour une gestion plus démocratique de la question. Greenpeace a pointé le risque « de sacrifier les intérêts des Européens sur l'autel de l'accord de libre-échange avec les États-Unis ».
De son côté, la Biotech Crops Alliance a dénoncé, au nom des producteurs américains, une « fragmentation » du marché unique, laissant planer la menace de recours devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). « L'administration américaine a fait tous les étages à Bruxelles contre le projet », a confié à l'AFP une source proche du dossier.
Quatorze associations représentant l'agro-industrie européenne, dont le Copa-Cogeca, principal lobby agricole de l'UE, se sont opposées à toute « renationalisation », au vu de la dépendance de l'élevage européen envers le fourrage OGM.
La question divise au sein même de la Commission, même si M. Juncker « a choisi de passer en force pour se débarrasser de la patate chaude », selon la même source. Les commissaires socialistes français, Pierre Moscovici, et maltais, Karmenu Vella, jugent que le projet ne donne pas assez de garanties juridiques aux États choisissant de bannir l'utilisation des OGM, a-t-elle précisé. En face, la libérale suédoise Cécilia Malmström, chargée du Commerce, et le conservateur allemand Günther Oettinger, sont contre toute possibilité d'exemption pour les États.