Une ouvrière agricole a obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Ce dernier l’avait laissée travailler dans une parcelle de vigne sans respecter les délais de réentrée.
La décision rendue par la cour d’appel de Bordeaux le 31 octobre 2013 est devenue définitive du fait du récent désistement de l’employeur à se pourvoir en cassation. Elle est riche d’enseignements sur les précautions que doit prendre tout employeur pour protéger ses salariés du risque d’intoxication aux produits phytosanitaires.
Le 8 juin 2007, tôt dans la matinée, une ouvrière agricole embauchée en CDD par la SCEA Monestier La Tour, domaine viticole situé à Monestier (Dordogne), effectue, comme on le lui a demandé, des travaux de relevage et d’épamprage dans une parcelle de vigne. Prise de malaises avant la fin de sa journée, victime de céphalée, d’irritation de la peau au niveau du visage et de vomissements, elle est hospitalisée dans la soirée et ce pendant deux jours.
Deux traitements la veille
Renseignements pris sur l’exploitation, il apparaît que la veille, les parcelles avaient été traitées avec deux produits : Cabrio Top, un antifongique, et Clameur, un insecticide. Ces deux produits de BASF sont classés irritants et nécessitent des délais de rentrée de vingt-quatre heures pour Cabrio Top et de six heures pour Clameur.
La déclaration d’accident du travail a été rapidement effectuée par le château Monestier La Tour, mais la salariée a agi devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur. En première instance, les juges n’ont pas accédé à sa demande. Mais la cour d’appel de Bordeaux lui a donné raison le 31 octobre.
Les juges d’appel ont relevé que « le délai de réentrée n’a pas été respecté puisque [la salariée] a repris son activité dans les vignes à 6h30 du matin, douze heures après le traitement et donc douze heures trop tôt par rapport à ce délai de réentrée ».
Précautions
Faute d’avoir pu rapporter la preuve que l’employeur avait empêché sa salariée d’entrer en contact avec les vignes traitées, la cour a considéré qu’il n’avait pas pris les précautions pour prévenir l’accident, concluant à sa faute inexcusable.
Dans un premier temps, un pourvoi en cassation devait être intenté par le château Monestier, mais celui-ci a finalement décidé de se désister le 10 avril.
« La reconnaissance de cette faute inexcusable va permettre à la salariée d’obtenir une majoration de l’indemnité en capital versé par la MSA, explique Stéphane Cottineau, avocat au barreau de Nantes et spécialiste du droit des victimes. Elle doit aussi lui offrir la possibilité d’avoir une indemnisation de son préjudice personnel, lequel sera déterminé après expertise financée par la MSA. »
En janvier 2012, le château Monestier La Tour a été racheté par Karl-Friedrich Scheufele, coprésident de la maison Chopard, grand nom de l’industrie horlogère et joaillière. Le nouveau propriétaire n’a pas souhaité poursuivre une procédure dont il n’avait pas connaissance au moment de l’achat.
Article mis en ligne intialement sur Lavigne-mag.fr.