Le procès de neuf militants de la Confédération paysanne, accusés de dégradations sur la ferme dite « des Mille Vaches », se tiendra mardi devant le tribunal correctionnel d'Amiens, alors qu'au dehors des milliers de personnes sont attendues pour les soutenir et dénoncer l'agriculture industrielle.
Principal reproche fait aux militants mis en cause : avoir commis des dégradations sur le chantier de la ferme située à Drucat (Somme), qui a depuis commencé à fonctionner, mi-septembre, avec quelques centaines de têtes de bétail. « Nous y allons pour démontrer que nous ne sommes que des lanceurs d'alertes », a expliqué à l'AFP Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, qui fait partie des accusés. « C'est la Confédération paysanne qui devrait être devant le tribunal, pas les militants », a-t-il ajouté, le syndicat d'agriculteurs revendiquant pleinement son intervention.
« Pourquoi, à chaque fois que la Confédération paysanne intervient de manière symbolique, on nous colle devant un tribunal et que lorsque d'autres syndicats font des manifestations beaucoup plus dures les pouvoirs publics passent l'éponge ? Il nous semble que c'est parce qu'on pose des questions qui dérangent », s'est offusqué Laurent Pinatel. « Nous allons plaider de façon sereine qu'il fallait s'opposer à ce système-là ».
De nombreuses personnalités attendues
Les accusés pourront compter sur le soutien moral de plusieurs milliers de personnes, selon la Confédération paysanne et l'association Novissen qui s'oppose à la ferme des Mille Vaches : dès 8H00 mardi, une trentaine d'autocars sont attendus en provenance de toute la France, y compris du sud lointain, notamment des environs de Millau, Montélimar ou Valence, a annoncé le syndicat. Une caravane de vélos partis lundi de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), site emblématique de lutte contre l'installation d'un nouvel aéroport près de Nantes, ainsi qu'un cortège de tracteurs originaires du même endroit, doivent également converger vers le point de ralliement, devant le palais de justice d'Amiens, mardi.
Une demi-douzaine de grévistes de la faim et de jeûneurs, dont le mari de l'une des prévenues, seront aussi de la partie. Leur convoi, parti de Narbonne, est arrivé samedi à Abbeville (Somme) et devait gagner Lille dimanche, puis Arras lundi, avant d'arriver à Amiens où leur mouvement prendra fin avec une soupe servie par des anciens de l'usine de pneus Continental fermée.
Des personnalités politiques sont également annoncées : José Bové, député européen et ancien de la Confédération paysanne, la députée de la Somme Barbara Pompili (EELV) qui doit par ailleurs témoigner au procès, mais aussi la secrétaire nationale Emmanuelle Cosse et la députée européenne Karima Delli, ou encore Clémentine Autain (Front de Gauche). Plusieurs dizaines de personnalités ont signé une déclaration de soutien à la Confédération paysanne.
Les manifestants prévoient d'organiser, sur une scène qu'ils auront montée, le procès de l'industrialisation de l'agriculture. Des concerts et un défilé sont également prévus.
Dans la nuit du 11 au 12 septembre, une vingtaine de personnes s'était introduite sur le chantier de la ferme des 1.000 vaches à Drucat près d'Abbeville, pour immobiliser les engins de chantier et produire un immense tag de 250 m de long stipulant « Non aux 1.000 vaches », une action revendiquée par la Confédération paysanne.
Le 28 mai dernier, une cinquantaine d'agriculteurs venus de toute la France avaient pénétré sur le chantier de la ferme afin de « démonter » une partie des installations, selon la Confédération paysanne. Le porteur du projet avait parlé lui de « saccage », évoquant des dégâts qui devaient dépasser « vraisemblablement les 100.000 euros ».
Non à « l'industrialisation de l'agriculture » (Modef)
« Le Modef apporte son soutien » aux neuf militants de la Confédération paysanne qui « ont contesté le grand projet d'usine à méthanisation où la production agricole passe au second plan », écrit le président du syndicat, Jean Mouzat, dans un communiqué du 27 octobre. « Le Modef est solidaire de ces militants et appelle à leur relaxe. »
« Ferme des 1.000 vaches dans la Somme, atelier d'engraissement de 1.000 taurillons dans la Creuse et 250.000 poules pondeuses dans la Somme avec un objectif de produire 70 millions d'œufs, ce modèle capitaliste ultra productiviste tue à petit feu l'agriculture paysanne et familiale ainsi que les milliers d'emplois qui y sont associés. De plus, il porte atteinte à la qualité et à la diversité des produits agricoles et alimentaires. »
« Pour sortir de ce modèle, il est urgent de mettre en place une politique qui partage les richesses créées par une juste rémunération du travail, une politique de prix agricoles garantis qui permettrait de maintenir sur les territoires une agriculture rémunératrice, solidaire, durable et responsable », conclut le Modef.