Les professionnels du champagne ont résolument tourné le dos à la crise, en 2010, au point de redouter que ne soient atteintes rapidement les limites de production du vignoble, au vu des perspectives de croissance.
Avec quatorze mois de hausse consécutive des ventes, « 2010 aura été l'année des grandes maisons et des coopératives qui se sont refaites une santé à deux chiffres », se réjouit Daniel Lorson, porte-parole du Comité interprofessionnel des vins de champagne (CIVC).
De janvier à novembre 2010, les coopératives ont enregistré la plus forte progression avec des ventes en hausse de 18,2 % alors que les maisons s'apprécient de 16,1 %, par rapport à 2009.
Les exportations dans les pays tiers (hors UE) enregistrent les indices les plus remarquables avec une hausse totale de 31,1 %, répartie entre les maisons (+32,4 %), les coopératives (+19 %) et les vignerons (+23,3 %).
Pour le seul mois de novembre 2010 les ventes des coopératives ont progressé de 71,1 %, par rapport à novembre 2009.
« Nous devrions atteindre pour 2010 les 320 millions de bouteilles et renouer avec les scores des bonnes années d'avant la crise », estime Daniel Lorson. Il a en ligne de mire le record de 2007 et ses 338,7 millions de flacons vendus, à rapporter aux 293,3 millions de bouteilles de 2009, année de crise.
Seul bémol à ce crescendo, la situation des vignerons – plus ancrés sur le marché national –, dont les ventes ont chuté de 2,9 % pendant les onze premiers mois de 2010.
« Les vignerons subissent quelques remous de la crise avec un effet de retard d'autant qu'ils étaient l'année dernière en concurrence directe avec des champagnes bradés par la grande distribution », constate Pascal Férat, le président du Syndicat des vignerons (SGV). Selon lui, le phénomène des champagnes à 10 euros « ne devrait pas réapparaître de sitôt ».
Sauf nouvelle crise, les professionnels du champagne tablent désormais sur une croissance annuelle de 2 % au minimum.
« A ce rythme, qui reste raisonnable, nous atteindrons dans moins de dix ans les limites supérieures de la production du vignoble », redoute Jean-Marie Barillère, vice-président de l'Union des maisons de champagne (UMC).
Les 33.300 hectares actuels de l'appellation ne peuvent produire dans le meilleur des cas qu'environ 400 millions de bouteilles. Or, selon le CIVC, les demandes pourraient facilement dépasser les 500 millions d'unités.
« Ne serait-ce qu'aux Etats-Unis, le marché est sous-développé avec 15 millions de bouteilles, au regard de l'Angleterre qui en consomme 39 millions », estime-t-on au CIVC. « Et dans les pays émergents en Asie comme en Europe de l'Est, tout reste encore à faire », poursuit M. Lorson.
« On se prépare, jusqu'à la révision de la zone d'appellation à l'horizon de 2015, non pas au fragile équilibre entre l'offre et la demande mais à une pénurie structurelle qui durera au moins jusqu'en 2022 », estime-t-il.
« Le champagne n'a pas pour vocation à alimenter tous les marchés des vins effervescents, mais doit rester un produit de haut de gamme », tempère toutefois Pascal Férat au SGV.
Selon le CIVC, l'évolution des prix du roi des vins devrait se maintenir autour de 3 % pour les mois à venir. Seule flambée notoire, le coût de l'hectare de vigne qui se négociait au début de l'année à plus d'un million d'euros.