La « chambre d'agriculture alternative » du Pays basque comparaissait jeudi dernier à Pau en appel du procès que lui intente l'Etat depuis 2005, au motif notamment d'usurper le titre de la chambre officielle des Pyréneés-Atlantiques et de créer une confusion sur ses missions.
Au bout d'une séance qui a durée plusieurs heures, le parquet à requis devant la cour d'appel de Pau l'interdiction du nom « Euskal Herriko Laborantza Ganbara », « chambre d'agriculture » en basque, ainsi qu'une amende de 2.000 euros.
La défense réclame la relaxe. Le jugement a été mis en délibéré au 6 mai 2010.
Pour le préfet, l'appellation « chambre d'agriculture du Pays basque » même si elle est en langue basque est « de nature à créer dans l'esprit du public une confusion avec l'exercice d'une fonction publique » telle que l'exerce la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques.
En première instance, le 26 mars 2009, Michel Berhocoirigoin, le président de l'association EHLG, avait pourtant été relaxé par le tribunal de grande instance de Bayonne. Une action publique orchestrée par le préfet visait aussi bien sa personne que la dénomination et les missions de l'association EHLG.
Au dernier moment, le procureur de la République avait choisi de faire appel de cette décision après consultation du procureur général à Pau et de la Chancellerie.
EHLG avait alors déploré cet « appel loin d’apaiser la situation » et qui, selon elle, allait « alimenter un conflit, déjà trop long [...] », alors qu’une « certaine sérénité semblait enfin s’installer ».
Cette affaire a provoqué un tollé dans les milieux de défense des Droits de l'homme qui réclament, dans une lettre de soutien aux agriculteurs basques, « le respect de la liberté constitutionnelle d'association ».
L'association EHLG, qui a publié un « livre noir » de près de 700 pages recueillant depuis cinq ans les faits de « l'acharnement de l'Etat », selon elle, à son encontre, dénonce une atteinte à « la liberté de réunion et d'association pacifiques » telle qu'elle est définie dans l'article 20 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Dans un communiqué vendredi, la Confédération paysanne a estimé que ce procès en appel « relève de l'acharnement sur des innocents ». EHLG est une association « qui travaille sur le développement du projet d'agriculture paysanne dans le Pays basque, elle respecte la totalité des lois françaises ».
Pour le syndicat agricole, l'Etat pourrait bien chercher à « empêcher EHLG et la dynamique paysanne et citoyenne qui la porte de développer l'alternative agriculture paysanne face au modèle industriel ».
Dès le 6 février 2010, une chaine humaine de d'environ cinq cents personnes dans le centre de Bayonne s'était constituée pour témoigner leur soutien à EHLG et son président.
Le matin du procès, le 18 février 2010, de 500 à 700 personnes se sont regroupées devant les portes du palais de justice de Pau, brandissant des pancartes qui appelaient à « laisser EHLG vivre et travailler en paix » ou « l'arrêt définitif de l'acharnement contre EHLG ».
De nombreux responsables des formations politiques autonomistes basques ont assisté au procès qu'ils jugeaient symbolique, de même que plusieurs partis écologistes venus soutenir le combat d'EHLB « en faveur d'une agriculture paysanne et durable ». Divers élus de la gauche, de l'extrême-gauche et des responsables d'associations de défense des Droits de l'homme étaient également présents.
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