Les effets néfastes des températures extrêmes sur le vieillissement du blé sont largement sous-évalués, ce qui rend d'autant plus préoccupant le réchauffement climatique prévu dans les décennies à venir, avertit une étude.
Récolté chaque année sur plus de 220 millions d'hectares, le blé est la ressource agricole la plus cultivée dans le monde. Mais cette céréale est adaptée aux climats tempérés et les températures élevées peuvent l'affecter à différents stades de son développement, réduisant notamment le nombre de grains portés par un épi et/ou la taille de ces grains.
Au-delà de 30°C, la chaleur peut notamment endommager les feuilles et les mécanismes de la photosynthèse, ce qui accélère le processus de vieillissement du blé (« sénescence »), explique l'étude, publiée dimanche dans la revue Nature Climate Change.
Même avec l'utilisation de variétés de blé adaptées, les fluctuations de température peuvent considérablement affecter les rendements d'une année sur l'autre. Selon une simulation récente effectuée en Australie, des températures supérieures de 2°C à la moyenne aboutiraient à un rendement deux fois plus faible que durant les années où les températures sont inférieures de 2°C à la moyenne, à pluviosité constante.
Soupçonnant que les modèles agricoles les plus courants peinaient à prendre correctement en compte ces paramètres, David Lobell, de l'Université américaine de Stanford, et ses collègues ont étudié la situation dans l'une des régions les plus productrices de blé du monde, la plaine du Gange située dans le nord de l'Inde.
Grâce à neuf années d'observations par satellite de la zone et à une modélisation informatique complexe, ils estiment qu'une augmentation de la température de 2°C réduirait en moyenne de neuf jours la saison durant laquelle le blé peut se développer par photosynthèse. Mais deux modèles de simulation agricole couramment utilisés en agronomie (CERES et APSIM) n'aboutissent, pour les mêmes paramètres, qu'à une saison raccourcie de six à trois jours respectivement. Dans certains cas, l'un de ces modèles annonce même une saison plus longue en cas de réchauffement de 2°C, souligne l'étude, pour qui ce résultat est nécessairement « erroné ».
Selon l'étude, le « rendement médian » du blé dans la plaine du Gange se trouverait réduit de 20 % dans un scénario de réchauffement de 2°C, contre seulement de 10 % à 14 % dans les modèles agricoles APSIM et CERES standards.
« Ces résultats impliquent que le réchauffement climatique représente un défi encore plus important pour la culture du blé que les simulations précédentes ne le suggéraient. L'efficacité des réponses à apporter dépendra de leur capacité à réduire la sensibilité des cultures aux journées très chaudes », concluent les auteurs.