Ségolène Royal a prôné mardi matin une solution de compromis et exclut « le tout ou rien » sur le projet controversé du barrage de Sivens, quelques heures avant une réunion à Paris de tous les acteurs concernés – défenseurs de l'environnement, représentants des agriculteurs, élus locaux.
Cette réunion a lieu neuf jours après la mort du militant écologiste Rémi Fraisse lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, qui a constitué un tournant dramatique dans la poursuite d'un projet contesté.
Interrogée sur l'arrêt ou non du projet de barrage, la ministre a plaidé sur France 2 pour une « convergence entre points de vue très différents » afin de « trouver un équilibre » entre le développement économique et la défense de l'environnement. « A quoi cela ressemblerait de tout arrêter sans réfléchir ? Et de tout continuer sans réfléchir ? Ce n'est pas la solution », a-t-elle lancé.
Après une semaine de vives critiques sur la gestion de ce dossier par le gouvernement, François Hollande a estimé depuis Ottawa que cette « réunion de concertation sur la base d'une expertise » était « la bonne méthode ».
Il y a eu « une erreur d'appréciation » dans la décision, avait déclaré Mme Royal dimanche, critiquant pour la première fois la pertinence de ce projet de retenue d'eau dans le Tarn, destinée à l'irrigation. « Un tel ouvrage ne serait plus possible aujourd'hui », avait-elle ajouté, se basant sur un rapport d'experts commandité en septembre par son ministère, très critique sur ce projet.
Les discussions de mardi viseront d'abord à échanger autour de ce rapport. « Cela restera une décision du conseil général, mais on [l'Etat] peut aider à l'émergence d'une solution », a dit lundi soir Mme Royal.
Le député Noël Mamère (ex-EELV) a lui jugé mardi sur RTL que le projet n'était « pas légal », dénonçant le fait que la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, qui a fait l'étude, a aussi réalisé le barrage.
La ministre doit recevoir à 18h00 à son ministère les élus locaux concernés, dont Martin Malvy (PS), président de la Région et président de l'agence de l'eau Adour-Garonne, et Thierry Carcenac (PS), président du conseil général, maître d'ouvrage du barrage.
Signe possible d'une accélération, sont aussi conviées les organisations agricoles et de protection de l'environnement, qui devaient à l'origine être reçus « dans un second temps », en fin de semaine. Seront aussi présents les deux ingénieurs auteurs du rapport. La ministre doit s'exprimer devant la presse à l'issue de la rencontre.
Travaux suspendus
Le rapport met notamment en évidence des besoins surestimés, une étude d'impact « de qualité très moyenne », « un financement fragile », le manque d'« analyse des solutions alternatives possibles ». Il recommande de poursuivre les travaux, trop avancés, mais préconise de réduire le volume d'eau destiné à l'irrigation classique pour le reporter sur d'autres usages (pour augmenter le débit réservé d'hiver, ou pour irriguer d'autres types d'exploitations...). Il préconise de plus que « le coût de fonctionnement soit porté par les usagers, les agriculteurs » et d'améliorer les zones humides recréées ailleurs.
Objet de nombreux recours en justice pour son coût et ses conséquences sur un écosystème fragile, le projet de barrage – réservoir de 1,5 million de mètres cubes d'eau stockée – une taille relativement modeste par rapport à d'autres – est en revanche soutenu par le conseil général. Celui-ci juge cet ouvrage de 8,4 millions d'euros indispensable pour irriguer les terres agricoles et affirme qu'une autre zone humide sera recréée. Vendredi, le département a entériné une suspension des travaux, sans en fixer la durée.
A la FNSEA, on se dit « prêts à discuter des modalités techniques car les experts disent qu'il y a quelques manquements, mais en aucun cas de la nécessité » de l'ouvrage.
Dans un entretien au Parisien de mardi, Nicolas Hulot, envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète, se prononce pour l'abandon du barrage, « une question de bon sens » selon lui.
Du côté de France Nature Environnement, le réseau d'associations dont faisait partie le militant tué, on espère l'abandon pur et simple du projet, même si on n'attend pas forcément d'annonce dès mardi, selon son président Denez L'Hostis.