L'Europe a mis fin, mercredi, à un différend commercial de plus de vingt ans avec les Etats-Unis et le Canada, en acceptant d'augmenter ses importations de viande bovine de haute qualité en échange du maintien de son interdiction du bœuf aux hormones.
L'Europe avait interdit, en 1988, les importations de viande bovine issue d'animaux auxquels ont été administrées des hormones de croissance. En rétorsion, les Etats-Unis et le Canada, avec l'aval de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), avaient imposé, en 1999, des sanctions douanières sur de nombreux produits européens (le chocolat, le roquefort, la moutarde, les truffes...) pour un montant annuel global de 116,8 millions de dollars américains et 11,3 millions de dollars canadiens.
Dans le cadre d'un premier accord UE-Amérique du Nord, conclu en mai 2009, ces sanctions avaient été ramenées, à partir d'août 2009, à 38 millions de dollars américains en contrepartie de l'ouverture d'un contingent annuel d'importation à droits de douane nuls de viande bovine de haute qualité (produite sans hormones) dans l'UE de 21.500 tonnes : 20.000 t pour les Etats-Unis et 1.500 t pour le Canada.
Une seconde étape a été franchie, ce mercredi 14 mars 2012, avec la ratification définitive, par le Parlement européen, d'un nouvel accord transatlantique qui porte à 48.200 tonnes le contingent annuel d'importation de viande bovine de haute qualité à droits nuls proposé aux Etats-Unis (45.000 t) et au Canada (3.200 t). En contrepartie, les dernières surtaxes douanières imposées par ces deux pays aux produits européens disparaissent. Cet accord, qui entrera en application en août 2012, a été approuvé par une très large majorité d'eurodéputés (650 voix pour, 11 contre et 11 abstentions).
Selon le Parlement européen, les premiers bénéficiaires de la levée des sanctions américaines et canadiennes sont l'Italie (99 millions de dollars d'échanges), la Pologne (25 M$), la Grèce et l'Irlande (24 M$ chacune), l'Allemagne et le Danemark (19 M$ chacun), la France (13 M$) et l'Espagne (9 M$).
Avec la décision d'accroître le contingent d'importation, la FNB (Fédération nationale bovine) estime « qu'une fois de plus, la viande bovine européenne est sacrifiée, et sert de monnaie d'échange à des tractations commerciales menées par la Commission européenne ».
« Certes, les attentes des consommateurs semblent préservées en façade, avec le maintien de la position d'interdiction de viandes aux hormones sur le marché européen. Mais à quel prix ! », ajoute la FNB.
« Alors que les éleveurs sont en situation de crise de revenu depuis plus de cinq ans, en raison de coûts de production croissants, l'Europe poursuit son travail de sape et de découragement de la production », poursuit l'organisation syndicale.
L'accord conclu entre l'UE et l'Amérique du nord sur le bœuf aux hormones revient à « une ouverture unilatérale des frontières de l'UE », estime la Coordination rurale (CR) dans un communiqué du 16 mars.
« Au regard de la consommation de viande de bœuf du vieux continent, il s'agit de volumes réduits. Cependant, pour la CR, ces marchandages pourraient fragiliser l'équilibre instable du marché de la viande en Europe. »
« A chaque nouvelle négociation, l'UE accepte d'importer plus de viande américaine, sans que la réciproque ne soit appliquée. Si, en 1996, les mesures d'embargo étaient justifiées par la maladie de l'ESB (1), ce n'est plus le cas à présent. L'UE devrait se montrer plus ferme et exiger la réouverture des frontières américaines aux viandes bovines européennes », conclut le communiqué de la CR.
(1) Encéphalopathie spongiforme bovine (dite maladie de la vache folle)
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