L’arboriculture fruitière biologique peut-elle concilier les valeurs dont elle est porteuse avec une durabilité économique et environnementale ? Pour répondre à cette question, les chercheurs de l’unité d'écodéveloppement de l’Inra Provence-Alpes-Côte d’Azur ont évalué ses performances environnementales, agronomiques et socio-économiques.
« Les progrès et les atouts mis en avant pour valoriser l’agriculture biologique, comme le respect de l’environnement, sont contrebalancés par des rendements souvent plus faibles et des produits plus chers », explique l'Inra dans un article publié sur son site le 19 août 2011.
Si les premiers résultats valident le potentiel de l’arboriculture biologique pour réduire l’impact sur l’environnement et améliorer la qualité des produits, ils confirment également des rendements inférieurs à ceux de l’arboriculture conventionnelle. « Toutefois, ces écarts se réduisent avec des variétés mieux adaptées au mode de production biologique », précise l'Inra.
En très grande majorité, les arboriculteurs bio (87,5 %) adoptent des logiques de traitements préventifs et peu toxiques ou de protection intégrée, « les plus favorables à la diversité et à l’abondance des auxiliaires », les autres adoptant des pratiques raisonnées et curatives à base de produits chimiques homologués, indique l'Inra.
« En revanche, les calibres et les rendements des fruits sont plus faibles. La diminution de la production est en moyenne de 23 % en vergers de pêchers bio expérimentaux et de 30 % dans les vergers commerciaux. Cette baisse est due, entre autres facteurs, à une moindre vigueur des arbres, à davantage de dégâts liés aux ravageurs et aux maladies de conservation ».
Et ces dégâts se traduisent par « des déchets plus importants : 29 % en production bio contre 8 % en arboriculture conventionnelle », détaillent les scientifiques.
Ces écarts « peuvent être plus faibles pour des variétés mieux adaptées au mode de production biologique », comme par exemple l'utilisation de variétés de pommes résistantes à la tavelure en vergers bio. Le domaine de l'Inra de Gotheron (Drôme) a ainsi réussi à atteindre 82 % des rendements obtenus en agriculture conventionnelle (dispositif Bioreco), relève l'Inra.
Par ailleurs, parmi les critères de qualité des produits, les chercheurs ont observé dans leurs essais que les pêches ont une jutosité, des teneurs en sucres et en polyphénols plus élevées en bio.
D'un point de vue économique, entre 2008 et 2009, « le résultat économique des exploitations bio étudiées est resté relativement stable alors que celui des arboriculteurs conventionnels s’est effondré. Les prix de vente ont été chaque année plus élevés en bio, et en outre un peu plus stables : -27 % entre 2008 et 2009 en bio, -39 % en conventionnel », rapporte l'institut de recherche.
Selon l’étude, si 70 % des agriculteurs en AB se déclarent satisfaits de leur revenu, 60 % cherchent à augmenter leur part de vente directe ou en circuits courts pour mieux répartir leur production et sécuriser leurs revenus (plus grande autonomie d'approvisionnement en intrants et dans la mise sur le marché de la production). Et la vente directe appelant à une diversification culturale, ils en tirent une moindre pression parasitaire, souligne l'institut.
Ces résultats justifient « d’adopter une approche globale du système », et notamment de réviser les critères habituels d’évaluation de la production, « pour rendre compte du potentiel de l’agriculture biologique », résume le communiqué.
« La qualité plus globale des produits et les processus de production pourraient être des indicateurs des performances attendues de l’arboriculture biologique », au lieu des « critères tels que le calibre et l’absence de défaut visuel », explique Natacha Sautereau, de l’unité d'écodéveloppement et qui a coordonné l’étude sur l’évaluation de l’arboriculture biologique.
Dans un deuxième temps, les chercheurs de l'Inra vont s'intéresser aux conséquences de l'intensification de la production bio sur les niveaux de prix des produits, pour anticiper une baisse des cours actuels et œuvrer à la pérennisation d'une « agriculture biologique productive et écologique » (projet DynRurAbio).