La justice examinait le 19 mars 2015 le sort des abattoirs en difficulté AIM, qui emploient 590 personnes en France, mais qui n'ont en vue qu'une offre officielle de reprise de 71 personnes et un début de projet de coopérative ouvrière. L'audience, à huis clos, a démarré peu après 14h30 au tribunal de commerce de Coutances, devant lequel une centaine de salariés d'AIM se sont rassemblés, selon la police.
Les salariés du site de Sainte-Cécile (Manche), qui emploie 350 personnes, selon la direction, 375, selon les syndicats, espèrent que le tribunal leur accordera jusqu'à la fin de mars pour finaliser leur projet de Scop. « Si on avait trois semaines, un mois, on serait des plus heureux mais les administrateurs judiciaires ne vont pas prendre le risque d'aller au-delà de ce que peut la trésorerie pour garantir les salaires », a résumé Sébastien Lafon, délégué CFE-CGC basé à Sainte-Cécile.
La CFE-CGC penche pour une liquidation avec poursuite d'activité
Les salariés qui ont, selon les syndicats, écrit lundi à six ministres, préféreraient un report de l'audience. Mais l'administrateur judiciaire va, selon la CFE-CGC, demander une liquidation avec poursuite d'activité, ce qui n'empêchera pas le dépôt de nouvelles offres. Une liquidation sans poursuite d'activité en revanche mettrait fin à tout espoir.
L'horizon s'est encore assombri avec l'annonce mercredi aux salariés qu'une des deux seules offres officielles, très partielles, sur un des abattoirs d'AIM, avait été retirée. C'est la troisième fois en quelques semaines qu'un candidat officiel ou présenté comme très intéressé par l'un des abattoirs d'AIM, se retire.
Jeudi matin, il ne restait plus officiellement qu'une offre, celle du holding Les Rosaires qui reprendrait 71 salariés, à Antrain (Ille-et-Vilaine), où travaillent 179 personnes. Le holding détient trois sites agroalimentaires bretons. Le 18 février, la société bretonne de découpe de viandes Yves Fantou avait déposé une offre de reprise de 107 salariés d'Antrain mais elle l'a retirée faute de financements.
Un possible projet de Scop des salariés
Le projet de Scop, lui, est né après le retrait le 8 mars d'un candidat pour Sainte-Cécile, qui n'était pas encore officiel. Pour lui donner une chance, les employés de cet abattoir ont repris le travail le 11 mars après presque trois semaines de grève. « On augmente peu à peu notre volumétrie d'abattage, on est à 600 porcs abattus par jour » (contre 10.000 à 13.000 par semaine avant la cessation de paiement), précise M. Lafon.
S'il aboutit, le projet de Scop, qui ne reprendra pas tous les salariés, aura le soutien du département de la Manche et de la Région Basse-Normandie via la société d'économie mixte (SEM) créée en 2013 pour aider AIM et dont le capital a été augmenté en janvier.
La SEM vient de recruter un ancien dirigeant d'entreprise agroalimentaire qui est juge au tribunal de commerce de Dieppe, Serge Renaudin, chargé d'analyser la situation d'AIM en vue d'une éventuelle prise de participation de la SEM dans un projet de Scop, selon M. Lafon. « Il pourrait être ensuite un directeur général de transition pour la future société », précise le syndicaliste.
Interrogation sur les relations entre les salariés et Cap 50
Il reste à savoir comment évolueront les relations entre les salariés et leur principal actionnaire et fournisseur actuel, la coopérative de porcs Cap 50.
Le parquet de Coutances a ouvert le 24 février 2015 une enquête préliminaire après avoir reçu un courrier de la CFDT accusant Cap 50 d'avoir fait perdre 22 millions d'euros en quatre ans à AIM en l'obligeant à acheter du porc plus cher qu'elle ne pouvait le revendre. La direction dément et rappelle que la production porcine est en crise continue depuis 2008.
AIM est l'un des derniers abattoirs indépendants de la grande distribution en France. Créée en 1956 et rachetée en 2003 par Cap 50, l'entreprise est détenue à 64 % par la coopérative et à 34 % par le groupe d'aliments pour bétail JDIS. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 246,7 millions d'euros en 2013.
La société possède aussi des antennes à Dangy, Saint-Lô (Manche), Bernay (Eure) et Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), comptant 5 à 24 employés chacune, qui ne font l'objet d'aucune offre de reprise.