La justice a donné un nouveau répit le jeudi 19 mars 2015, aux abattoirs en difficulté AIM, qui emploie 590 personnes en France, mais ne font l'objet que de deux offres partielles de reprise.
« Il n'y a que du positif », a estimé Elise Brand, l'avocate des salariés, à l'issue de l'audience à huis clos du tribunal de commerce de Coutances. Les juges n'ont pas prononcé la liquidation de l'entreprise, en redressement judiciaire depuis le 6 janvier, selon le parquet.
Ils ont donné jusqu'au 27 mars aux salariés de l'abattoir le plus important du groupe, qui emploie environ 350 personnes à Sainte-Cécile (Manche), pour finaliser leur projet de société coopérative de production (Scop) dont ils ont présenté l'ébauche aux juges jeudi.
Le tribunal laisse une chance au projet de Scop
Ce projet – le seul pour le site de Sainte-Cécile – reprendrait 200 à 250 salariés environ, a précisé Me Brand. « Le tribunal a considéré que le projet de Scop méritait d'être vraiment examiné. C'est une très bonne nouvelle », a ajouté Me Brand.
Plus de 8 millions d'euros ont déjà été trouvés pour le financer, avec notamment 2 millions de la Région Basse-Normandie et du département de la Manche, 5 millions de la banque BPI et 500.000 euros des salariés, selon M. Brand.
Il manque trois millions d'euros mais « l'Etat nous les doit », estime l'avocate en se fondant sur la promesse du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll devant les députés, le 11 mars, de « sauver AIM ». « Si les salariés qui gagnent le Smic mettent 500.000 euros, l'Etat peut bien tenir ses promesses et sauver 200 emplois », a-t-elle dit.
Une offre examinée pour l'abattoir d'Antrain
Les juges ont en outre examiné jeudi une offre sur l'autre abattoir le plus important d'AIM qui emploie 179 personnes à Antrain (Ille-et-Vilaine). Ils rendront le 31 mars leur décision sur ce projet comme sur la Scop ou tout autre projet qui se présenterait d'ici là, selon le parquet. Le projet concernant Antrain a été déposé le 18 février par le holding Les Rosaires, qui possède trois sites de production de viande en Bretagne. 70 salariés seraient repris et 41 autres se verraient proposer des postes sur les sites des Rosaires, selon Me Brand.
Pascal « Collet (le patron des Rosaires, ndlr) a bien porté son projet (durant l'audience). C'est quelqu'un de charismatique », a ajouté l'avocate, précisant qu'il y avait des synergies entre ce projet et celui de Scop pour Sainte-Cécile.
Le délégué CFDT d'AIM, qui travaille sur le projet de Scop Johnny Poisnel, a souligné qu'il était « important pour les salariés comme pour nos clients qu'on reste en redressement judiciaire (plutôt que d'être placé en liquidation ndlr) ».
Reprise du travail pour donner une chance à la Scop
Pour conforter le projet de Scop, les salariés de Sainte-Cécile ont repris le travail le 11 mars après presque trois semaines de grève.
« On va tout faire pour que le projet de Scop aille jusqu'au bout. On n'a pas le choix. C'est la dernière chance. Mais mon sentiment est forcément mitigé, le projet laissera la moitié des salariés sur le carreau. C'est évident que ça fait un peu mal au cœur. D'autant que c'est une société qui marchait bien » il y a quelques années à peine, a confié David Baumel, salarié depuis 21 ans de Sainte Cécile, parmi la centaine de ses collègues qui ont attendu dans le froid pendant plus de trois heures le résultat de l'audience devant le tribunal jeudi.
AIM est l'un des derniers abattoirs indépendants de la grande distribution en France. Créée en 1956 et rachetée en 2003 par Cap 50, l'entreprise est détenue à 64 % par la coopérative et à 34 % par le groupe d'aliments pour bétail JDIS. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 246,7 millions d'euros en 2013.
La société possède aussi des antennes à Dangy, Saint-Lô (Manche), Bernay (Eure) et Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), comptant 5 à 24 employés chacune dont certaines pourraient être inclus dans le projet de Scop, selon l'avocate.