Publié le jeudi 16 avril 2015 - 17h38
Les signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) sont créateurs de valeur ajoutée : ils représentent 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an et concernent une exploitation agricole française sur quatre. Dans une économie mondialisée où prolifèrent les faussaires et les plagiaires, défendre la reconnaissance de notre système de qualité à l'international est crucial. L'Europe en a d'ailleurs fait « la priorité numéro un de son volet offensif sur l'agriculture et l'agroalimentaire dans les négociations commerciales avec les Etats-Unis », a assuré Patrice De Laurens, du ministère de l'agriculture, lors d'un colloque de l'Inao, jeudi à Avignon.
Mais les plus grands risques viennent peut-être de l'intérieur. Les Organismes de défense et de gestion (ODG) des signes de qualité sont en effet confrontés à de grands défis, observe Francois Casabianca, chercheur à l'Inra. Inclure un maximum de producteurs au risque de baisser le niveau des exigences, ou miser sur la spécificité du produit au risque d'être élitiste ? Car si une indication protégée « défend » un nom, elle le « confisque » pour les autres producteurs du territoire qui ne peuvent pas rentrer dans les cahiers des charges...
Partager la valeur tout au long de la filière
Les signes de qualité renvoient l'image d'un territoire et d'un environnement préservés, mais c'est aussi un défi. Il faut réussir à intégrer la notion de durabilité et de préservation des ressources naturelles dans les cahiers des charges alors que les pratiques environnementales n'ont que peu d'effets directs sur la qualité des produits finis... et qu'il n'est permis d'inscrire dans le cahier des charges que des pratiques ayant un effet sur la qualité du produit. Réponse : se contenter d'inscrire des pratiques qui conjuguent des bénéfices pour l'environnement et le produit. Ce qui heureusement est souvent le cas : par exemple pour le pâturage et la qualité des acides gras dans les produits laitiers...
La création de valeur ajoutée est à la base de toute démarche de SIQO, et sa redistribution tout au long de la chaîne est une condition de pérennité de la filière. S'il faut se réjouir de la rémunération supplémentaire pour les producteurs, des SIQO victimes de leur succès pourraient se traduire par une spécialisation à outrance des territoires. Paradoxalement, « dans ce cas, au lieu de protéger le territoire, on le défait », explique Francois Casabianca, illustrant ses propos par des exemples hors de nos frontières comme au Maroc, ou l'huile d'argan a eu la peau des chèvres élevées traditionnellement dans la même zone. La solution : développer les synergies entre productions et services d'un territoire. Aux élus locaux de se saisir de la question !
S'ancrer dans la consommation locale
Quatrième grand risque évoqué par le chercheur : celui de délaisser les consommateurs de la zone de production, qui sont pourtant les « ayant-droit historiques » du produit, pour se tourner plutôt vers des marchés plus rémunérateurs, notamment à l'export. « Les SIQO qui perdraient leur ancrage dans la consommation locale perdraient tout : il faut faire des SIQO un bien public local, qui légitime des soutiens publics... »
En ajoutant les défis de la communication face à la prolifération des signes de qualité, de la concurrence (ou « complémentarité ») des marques privées et des bannières régionales, de la répartition de la valeur ajoutée créée et de la protection du foncier, pour ne parler que de ceux-là, on comprend que l'Inao, qui fête cette année ses 80 ans, a encore du pain sur la planche.
Bérengère Lafeuille
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