La protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits alimentaires liés à un terroir, Pruneaux d'Agen, Café de Colombie ou Tequila (du Mexique), vient d'être renforcée au niveau international, ce qui permettra de les préserver dans les grandes négociations commerciales.
Dans un communiqué commun, les ministères français de l'Agriculture, du Commerce extérieur et du Tourisme se sont félicités de cet amendement à l'Arrangement de Lisbonne, « une véritable reconnaissance internationale » et « un progrès majeur pour le développement des indications géographiques » (IG) et des appellations d'origine (AO), même dans les pays où elles n'existent pas.
Six ans de « diplomatie des terroirs »
Il aura fallu six ans de « diplomatie des terroirs » entre les 28 pays signataires de l'arrangement de Lisbonne (dont sept membres de l'Union européenne) pour parvenir jeudi 21 mai à l'acte de Genève, qui « offre un niveau solide de protection tant pour les indications géographiques que pour les appellations d'origine », note également l'association oriGIn, alliance mondiale basée à Genève, revendiquant 400 associations de producteurs et institutions liées aux IG de 40 pays.
Pour oriGIn, cette avancée majeure pour la protection des producteurs et des consommateurs « fournira les moyens juridiques adéquats de lutter contre les infractions commises à l'encontre des IG », telles les fraudes et usurpations d'identité, faux parmesans, bries, goudas, roqueforts ou faux champagnes. « C'est un atout positif dans la négociation du traité de libre-échange transatlantique, ça montre qu'un certain nombre de pays dans le monde s'accordent sur ce système », estime-t-on au ministère français de l'Agriculture. « Ça nous met en position de force pour vendre et défendre notre modèle agricole. »
Dans une tribune publiée en mars dans Le Figaro, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et le secrétaire d'état au Commerce extérieur, Matthias Fekl, évoquaient ces « visions du monde qui se rencontrent et parfois s'affrontent » à propos des négociations commerciales avec les Etats-Unis, rappelant que la France avait réclamé, d'entrée, que son « modèle alimentaire » soit sorti des discussions et refusé le poulet chloré ou le bœuf aux hormones.
Des indications géographiques aux quatre coins du monde
« La France a fait valoir l'excellence de ses savoir-faire et la qualité de ses produits en exigeant la reconnaissance et la protection par [ses] partenaires des produits enregistrés comme indications géographiques », écrivaient-ils. Celles-ci, reconnaissaient-ils, « ne sont pas l'apanage de l'Europe » puisque Paris a procédé à une reconnaissance mutuelle des IG de la Corée du Sud, du Pérou, de la Colombie et du Canada. L'acte de Genève autorise de plus, c'est nouveau, les organisations internationales à adhérer, comme l'UE par exemple. « D'autres se montrent intéressés, comma la Russie ou l'Australie », soutient-on dans l'entourage de M. Le Foll.
Car il s'agit aussi de préserver des indications géographiques contre l'appétit des puissantes multinationales de l'agroalimentaire, indique cette source : « Le lobby américain du lait verrait bien l'adoption d'un terme générique pour le parmesan ou la mozzarella » afin d'en faire bénéficier les ersatz industriels contre lesquels les promoteurs du véritable « Parmiggiano » se battent à longueur d'année partout sur la planète.
L'Italie et la France plus que concernées
Plus de 4.000 spécialités alimentaires dans le monde bénéficient d'une protection les liant à leur terroir d'origine, manière de préserver aussi un savoir-faire traditionnel. L'Italie en est le pays le mieux pourvu avec 269 produits alimentaires (fromages, jambons, huiles...) et 523 vins. La France en compte également plus de 600 (dont les deux tiers pour des vins) : Brie, Roquefort, Camembert, Champagne... Les sources de conflit sont légion.
Une indication géographique s'applique aux produits « qui ont une origine géographique précise et possèdent des qualités, une notoriété ou des caractères essentiellement dus à ce lieu d'origine », indique l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Tandis que l'appellation d'origine est plus précise encore, qui se réfère à « un nom géographique ou une désignation traditionnelle utilisée sur des produits ayant une qualité particulière ou des caractères dus essentiellement au milieu géographique de production ». Les indications géographiques englobent donc aussi les appellations d'origine.