Le Gaec de Kergavarec a choisi le traitement biologique pour ne plus épandre d’effluents pauvres en azote.
«La filière de traitement que nous avons expérimentée au cours des deux dernières années nous a fait gagner une semaine de travail, calcule Olivier Abily, installé à Plabennec, dans le Finistère. A la tête d’un troupeau de 90 prim’holsteins, avec ses frères Jacques et Laurent, il participait depuis longtemps aux réflexions conduites par la chambre d’agriculture sur les nouvelles filières, avec une affinité pour les filtres plantés de roseaux associés au bassin tampon de sédimentation. «Nous avions construit une fosse à lisier de 980 m3 et une fumière de 150 m2 en 1999 dans le cadre de la mise aux normes, mais cette solution ne nous satisfaisait pas complètement, car les 380 m2 d’aire d’exercice non couverte généraient de grandes quantités d’effluents dont la valeur fertilisante était très peu élevée, de l’ordre de 0,5 unité d’azote par m3», ajoute Olivier.
Aujourd’hui, seuls le lisier et les eaux brunes concentrées sont collectés dans la fosse. Leur valeur fertilisante est deux fois plus élevée qu’avant. Les eaux brunes peu concentrées sont isolées afin d’être traitées biologiquement dans la nouvelle filière. Elles y retrouvent les eaux blanches et les lixiviats de fumière (voir le Schéma de traitement biologique du Gaec de Kergavarec (400.85 Ko)).
Une semaine sur trois
Lors de la première phase, leurs matières grossières en suspension sont séparées des éléments liquides dans un bassin tampon et de sédimentation (BTS) (lire aussi « La France agricole » du 6 juin 2006). « Il est moins gourmand en place qu’un filtre à paille », précise Olivier. Il est situé en contrebas des filtres à roseaux qui poursuivent l’épuration grâce au processus de nitrification-dénitrification.
Lorsque le bassin de stockage des effluents décantés atteint un niveau défini lors du dimensionnement, la pompe immergée se met en route et envoie un volume d’effluents dans l’un des trois filtres plantés de roseaux. Pendant une semaine, il reçoit les mêmes quantités d’eau par séquence (ou bâchée). Au même moment, les deux autres filtres sont au repos, c’est-à-dire en situation d’aérobie. L’azote ammoniacal de l’effluent brut peut y être transformé en nitrates (nitrification). Et cela grâce aux bactéries présentes sur les racines des rhizomes des roseaux. D’où l’importance de ces plantes favorables au développement de ces bactéries et à l’écoulement de l’eau malgré l’apport de matière organique qui pourrait colmater les filtres. Au fond des bassins, des drains collectent les effluents et les dirigent vers le regard répartiteur. 80 % retournent dans le BTS. Là, les nitrates sont réduits en azote gazeux, c’est la dénitrification.
Le tout se déroule pratiquement sans l’intervention des éleveurs. « Nous devons simplement ouvrir et fermer une vanne chaque semaine », indique Olivier. L’entretien des bassins n’est pas non plus très exigeant en temps de travail puisque les roseaux doivent être fauchés seulement une fois par an. «Il faut aussi nettoyer la surface et notamment racler les feuilles qui pourraient se déposer et nuire au bon fonctionnement du système.»
Le traitement final (tertiaire) se déroule dans un verger. «Il existe depuis longtemps et convient aussi bien qu’une prairie. L’avantage, c’est que nous n’avons pas besoin de déplacer les tuyaux», explique Laurent. A noter que ce traitement aurait pu s’envisager par infiltration sur des massifs filtrants végétalisés ou des bosquets épurateurs présentés dans les pages suivantes.
Les effluents concernés - Effluents de traite : eaux blanches, eaux blanches de fromagerie (1), eaux vertes de quai, eaux vertes d’aire d’attente - Eaux brunes des aires de vie non couverte - Lixiviats de fumière non couverte - Effluents domestiques (2)
Ceux qui ne sont pas - Les effluents concentrés (lisier, purin non dilué...) - Les laits non commercialisables
(1) Le lactosérum est exclu. (2) Sous réserve de l’accord des administrations départementales. |
Coût : environ 15 000 euros Le bassin tampon aussi bien que les filtres et la plantation ont été totalement autoconstruits. « Ils nécessitent de la rigueur et des aptitudes pour la maçonnerie », signale Olivier. Le prix de revient de l’ouvrage est d’environ 15.000 €. A titre indicatif, la réalisation de la même filière avec un filtre à paille par une entreprise nécessiterait environ 23.500 €, selon l’Institut de l’élevage. |
L’avis de STÉPHANE COUTANT, conseiller en bâtiment Dimensionnée par un expert «Le nombre de vaches n’est pas un élément pertinent pour choisir la filière qui convient à son élevage», souligne Stéphane Coutant, de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire. C’est la demande globale en oxygène (DGO) nécessaire à la dégradation de la matière organique et à l’oxydation de l’azote ammoniacal des effluents qui est décisive. En gros, cela dépend de la concentration et de la quantité des effluents peu chargés collectés. Il existe des références précises qui permettent de calculer cette charge sachant qu’elle est aussi très dépendante de la pluviométrie locale. Les techniciens en bâtiment des chambres d’agriculture disposent de tous les éléments pour effectuer un diagnostic et évaluer la taille de la filière à mettre en place. |
Francis et Nicole de Bersacques ont planté un massif d’eucalyptus et de roseaux pour traiter les eaux de leur élevage.
«Nous avons fait l’économie d’une fosse à lisier grâce aux massifs filtrants végétalisés (MFV), confie Francis de Bersacques, à la retraite mais encore impliqué dans la conduite des vingt-cinq vaches laitières de son épouse Nicole, à Montreuil-Juigné, dans le Maine-et-Loire. Pour cet ancien conseiller en bâtiment à la chambre d’agriculture, l’épandage à la tonne peut s’avérer risqué pour la structure des sols. « Il suffit que les conditions climatiques ne soient pas favorables et on détériore durablement le potentiel de son terrain. En outre, le stockage en fosse génère des odeurs et attire les insectes. Dans notre zone périurbaine, cela peut devenir très problématique.»
Un mètre de terre au minimum
Le massif effectue le traitement biologique. Il réalise également le traitement tertiaire, c’est-à-dire l’absorption des éléments nutritifs. La première phase du traitement s’opérant dans un filtre à paille.
Tous les types de sols ne conviennent pas pour l’installation de cette filière. Il doit se ressuyer naturellement et une étude pédologique est nécessaire. « La nature du profil sur 1 mètre est déterminante, insiste Stéphane Coutant, conseiller en bâtiment à la chambre d’agriculture du département. L’horizon de surface doit se montrer perméable et filtrant sur 90 cm de hauteur. Plus en profondeur, il doit être moins perméable et constitué d’une structure limono-argileuse.
Le massif de Francis et Nicole a été implanté au printemps 2003. Il est divisé en trois bassins de 10 mètres de long et de 5 mètres de large disposés bout à bout et ceinturés par des petites digues d’un mètre de large. Avant la confection de ces dernières, deux haies d’eucalyptus ont été plantées avec 2 mètres entre chaque arbre. Au centre, des roseaux sur 3 mètres de large ont été repiqués à raison de 4 à 7 pieds par mètre carré. « Nous avons utilisé des plants qui poussent naturellement au bord de la rivière », précise Francis. Les eucalyptus proviennent d’un pépiniériste. « Avec le recul, nous savons que les plants à racines pivotantes issus de graines résistent mieux aux coups de vent que ceux issus de clones à réseaux fasciculés », précise Francis.
Beaucoup d'entretien au départ
«L’entretien était important la première année, confie Nicole. Il a fallu biner fréquemment pour que les adventices ne prennent pas le dessus. » Aujourd’hui, les roseaux sont fauchés tous les ans au mois d’avril à l’aide d’un taille-haie. « Cela prend trois heures environ pour les 150 m2», précise-t-elle. «Les eucalyptus sont taillés à 3 ou 4 mètres de hauteur au bout de quatre ans pour limiter la prise au vent», indique Francis.
A télécharger: Schéma des phases de traitement des effluents chez Francis et Nicole de Bersacques (609.54 Ko)
Coût : de 4.000 à 5.000 euros L’ensemble de l’installation avec le filtre à paille représente un investissement de 5 200 €. Mais ce dernier à été mis en place par une entreprise avec la fosse de relèvement. Confectionné par l’éleveur lui-même, ce dispositif peut coûter moins de 4.000 €. |
Une prairie aménagée et plantée d’arbres après un filtre à paille a été expérimentée dans le Calvados.
Cette filière exige le même profil de sol que les massifs filtrants végétalisés. «Elle est facile a mettre en place par l’éleveur lui-même, assure Sylvain Kientz, conseiller en bâtiment à la chambre d’agriculture du Calvados, qui a suivi l’expérimentation sur une petite exploitation du département. Elle représente un investissement raisonnable, de l’ordre de 9 500 € avec le filtre à paille et la fosse. L’achat des essences représente, quant à lui, environ 1 300 €. Ces dernières sont adaptées au climat régional et aux apports d’eau importants. Leur choix s’effectue avec l’organisme départemental ou régional chargé de la préservation des haies. La filière fonctionne sur le même principe que les précédentes (voir infographie ci-dessous). « Le principal problème que l’on pourrait rencontrer est celui de l’engorgement, note Sylvain Kientz. Un fossé de 40 cm maximum de profondeur limite les risques.»
A télécharger le Schéma de la prairie aménagée et plantée d'arbres après un filtre à paille (1.35 Mo)
Coût: moins de 10.000 euros Avec le filtre à paille, l’investissement représente moins de 10.000 €. |
par Marie-France Malterre (publié le 13 avril 2007)
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