Il y a quelques années, on ne savait que faire des eaux souillées : eaux blanches, brunes et vertes. La seule solution était de les stocker, puis de les épandre. Aujourd'hui, les éleveurs peuvent opter pour un système de traitement.
Quatre filières sont validées depuis décembre 2003. Elles ont en commun une succession de traitements aboutissant à une eau suffisamment claire pour être rejetée. Le traitement primaire vise à récupérer l'essentiel des particules solides, grâce à un filtre à paille ou à un bassin tampon de sédimentation (BTS). Le traitement secondaire permet d'affiner l'épuration du liquide. Enfin, le produit obtenu est rejeté, mais jamais directement dans une rivière. Le choix du système est à faire en fonction des produits dont on dispose. Mais la nature des sols influe également. En effet, si le système des lagunes est le moins coûteux, il faut des sols argileux pour les aménager. Sinon, on peut étanchéifier les bassins avec des géomembranes. Bien que plus coûteuse, cette solution est compétitive par rapport au stockage. Quand les conditions naturelles ne sont pas favorables au lagunage, on peut aussi choisir l'épandage sur prairie, directement en sortie du BTS. Selon les volumes, il faudra investir dans un asperseur (environ 10 000 €), mais cette solution reste économe. En outre, les filières de traitement nécessitent un léger dénivelé entre les différentes phases de traitement. L'intérêt économique peut être remis en cause s'il faut plusieurs pompes de reprise et de longs réseaux de canalisations.
Epandre en hiver
L'épandage de l'effluent final peut s'effectuer, sous certaines conditions, pendant les périodes d'interdiction en hiver. Après un épisode pluvieux, il faut attendre que le sol soit ressuyé. Ce délai est fixé au niveau du département, en tenant compte des quantités réelles de pluie. De même, on ne doit pas épandre sur sol gelé. La parcelle doit être en herbe et le sol suffisamment profond pour éviter les fuites par lessivage ou ruissellement. La surface nécessaire à l'épandage est fixée au cas par cas. L'administration considère généralement qu'en deçà de 1 hectare, l'épandage peut se faire à l'aide d'un tuyau perforé. C'est le système le moins onéreux, mais il nécessite un minimum de manutention. Ce tuyau doit en effet être régulièrement déplacé à la main. Au-delà de 1 hectare, l'épandage doit être mécanisé. Il faut donc installer un système d'aspersion, ce qui renchérit forcément le coût.
Les systèmes de traitement dispensent d'investir dans une fosse de stockage. Les coûts de fonctionnement sont environ deux fois plus faibles que dans l'option de tout stocker. Néanmoins, il faut prévoir un minimum de temps pour surveiller le fonctionnement et entretenir les abords. Le BTS est à vidanger régulièrement. Autre avantage des systèmes de traitement, leur coût de construction est d'autant plus faible qu'il est possible d'avoir recours à l'autoconstruction. Il est parfois possible de transformer une fosse en BTS, ce qui réduit encore le coût. Ceux qui disposent d'une fosse de capacité suffisante pour le lisier, mais pas pour les eaux souillées, doivent s'interroger sur l'opportunité d'opter pour le traitement. Là où il faut, de toute manière, construire une fosse, prévoir une capacité suffisante pour le lisier et les eaux souillées semble a priori la meilleure solution. Mais il ne faut pas oublier le travail et les coûts engendrés par l'épandage d'un lisier dilué. Aujourd'hui, des élevages qui disposent d'une capacité de stockage suffisante font le choix d'investir malgré tout dans un système d'aspersion des eaux souillées. Selon Yves Françoise, spécialiste bâtiment à la chambre d'agriculture de la Manche, entre un tiers et la moitié des éleveurs de ce département auraient intérêt à opter pour le traitement des eaux souillées.
Stocker le moins possible
Malgré tout, les systèmes de traitement des eaux souillées ne seront pas adaptables partout. Certains devront donc les stocker, puis les épandre. Dans ce cas, il devient judicieux de réduire la production de ces effluents. Les systèmes de recyclage des eaux de nettoyage de la salle de traite deviennent alors intéressants. Lorsque la pluviométrie est élevée, les fosses en recueillent beaucoup. Couvrir les ouvrages de stockage coûte en moyenne 50 €/m² pour une fumière, 60 à 70 €/m³ pour une fosse. Cette solution peut avoir de l'intérêt dans les zones très arrosées, si elle permet d'éviter de construire une nouvelle fosse. En couvrant une fumière, on réduit les volumes de purin et on supprime les lixiviats.
Télécharger le tableau relatif au choix de la filière et à celui des coûts :
Choix de la filière et coût (31.80 Ko)
"En traitant, on a pu garder notre libre-service"Parce que les eaux brunes sont traitées dans un bassin tampon de sédimentation, les aires d'exercice découvertes ne sont plus un problème.
Installés dans la Manche en 2001, Catherine et Jean-François Leviautre se sont tout de suite lancés dans la mise aux normes. Ils disposaient de bâtiments anciens avec soixante logettes, une aire d'exercice découverte et des silos. Ces éleveurs venaient d'une exploitation où les vaches étaient en aire paillée. Pour la mise aux normes, la chambre d'agriculture a étudié plusieurs projets. La reconstruction à neuf (logement, bloc traite, stockage de déjections...) coûtait 350 000 €. Une seconde option visait à conserver l'existant en stockant la totalité des effluents. Coût : 160 000 € (réfection béton et silo, fosse, fumière...). Il fallait prévoir un budget annuel de 5 500 € pour l'épandage. Enfin, une troisième voie a été explorée : il s'agissait de conserver l'existant et de traiter les eaux souillées. C'est ce qui a finalement été réalisé pour un coût de 130 000 € (dont 108 000 € subventionnables), avec un coût de fonctionnement prévisible de 4 200 €/an. Ce choix est justifié, aussi bien sur les plans économique que technique. Les éleveurs ont parallèlement travaillé pour redresser le niveau de production laitière et réduire ainsi le nombre de vaches. La moyenne a gagné 2 000 kg en trois ans, pour se stabiliser autour de 8 600 kg. Cinquante-cinq vaches permettent de produire le quota. Le nombre de logettes est donc suffisant. En revanche, il a fallu refaire les bétons des aires d'exercice et des silos. Une fumière de 160 m² et une fosse de 1 350 m³ ont été construites. L'auge a été couverte. Les eaux brunes issues de l'aire d'exercice et les lixiviats de la fumière sont dirigés vers un bassin tampon de sédimentation. Un deuxième BTS reçoit les eaux blanches et vertes ainsi que les eaux brunes de la stabulation des génisses. Le produit final est épandu sur une prairie par aspersion. Presque deux ans après l'achèvement des travaux, les éleveurs sont très satisfaits. " Le libre-service n'est pas un retour en arrière. Il fonctionne, aussi bien sur le plan du travail que de la santé des animaux ", affirme Jean-François. " Et il est facile de se faire remplacer avec un système aussi simple et fonctionnel", renchérit Catherine. Même en hiver, les vaches se plaisent à l'extérieur. Seuls les vents forts et les courants d'air semblent les déranger. |
Les recherches se poursuivent Les systèmes de traitement des eaux souillées sont évalués par l'Institut de l'élevage et les chambres d'agriculture avant validation. Dans le Finistère, on teste le traitement des eaux brunes par un filtre de roseaux. Dans le Maine-et-Loire, on évalue le traitement des eaux blanches et vertes avec une filtre à paille, puis un filtre planté de roseaux et enfin un épandage sur une parcelle de roseaux et d'eucalyptus. |
(publié le 4 octobre 2004)
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