La France a ouvertement critiqué, lundi, la Commission européenne pour avoir préparé une étude récusant tout lien entre les spéculations sur les marchés à terme et la volatilité des cours des matières premières, alors que Paris a fait de cette question une priorité de sa présidence du G20.
A Paris, le président Nicolas Sarkozy a utilisé le mode de l'ironie pour commenter le projet de document.
« L'étude montrant que la spéculation ne conduit pas à l'augmentation du prix des matières premières au niveau mondial, je recommanderais une date pour la publier, le 1er avril », a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
« Si je me suis trompé, je serais le premier à le reconnaître avec beaucoup d'humilité », a-t-il ajouté.
A Bruxelles, où il participait à une réunion avec ses homologues européens, le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire, a enfoncé le clou devant la presse: « Je ne me reconnais pas dans ces conclusions (de la Commission). Je ne peux pas croire que ce seront ses conclusions définitives et si ça devait être le cas, cela voudrait dire que nous ne vivons pas dans le même monde ».
« Il est évident qu'à l'origine de la volatilité des prix agricoles, il y a une réalité physique, mais il me paraît évident, ou alors nous ne vivons pas dans le même monde que la Commission, que cette volatilité est accrue par la spéculation financière », a ajouté Bruno Le Maire.
Objet de l'ire française: un projet de texte intitulé « Relever les défis sur les marchés des produits de base et des matières premières » et censé fournir des éléments pour aider la présidence française du G20.
Il souligne en particulier qu' « il n'y a aucun élément probant attestant d'un lien de causalité entre l'activité des marchés des produits dérivés et l'augmentation de la volatilité et la hausse des prix » sur les marchés des matières premières.
Bruxelles, donnant le sentiment de vouloir désamorcer la polémique, a décidé, lundi, de reporter d'une semaine la publication du rapport, rédigé par les commissaires européens Antonio Tajani (Industrie), Michel Barnier (Services financiers) et Dacian Ciolos (Agriculture). « Le texte n'est pas mûr », a commenté une source proche de la Commission.
La phrase controversée « n'a pas été approuvée par le collège des commissaires. C'était une phrase provisoire dans un document technique sans aucune validation politique. La phrase a déjà été changée », a indiqué un porte-parole de l'exécutif européen.
Michel Barnier « dit depuis longtemps (...) qu'il y a des questions essentielles à se poser sur ces sujets. Il y a l'évidence des liens entre marchés physiques et financiers mais dans un contexte de grande opacité il est difficile de comprendre la nature exacte » de ce qui s'y passe, a tenté de relativiser ce porte-parole.
La question de la spéculation sur les marchés des matières premières, y compris agricoles, fait partie des priorités de la France pour sa présidence du G20, entamée fin 2010.
Parmi les pistes envisagées pour réguler le marché, Paris propose une plus grande transparence sur les stocks de matières premières agricoles, une meilleure coordination ou des dispositifs pour limiter les restrictions à l'exportation.
« Au moment où la Commission nous explique qu'il n'y a pas de spéculation sur les marchés des matières premières agricoles », les Etats-Unis se sont dotés d' « un outil juridique qui vise à encadrer le fonctionnement des marchés des matières premières agricoles pour éviter la spéculation », a encore relevé Bruno Le Maire.
« Je ne voudrais pas qu'une fois encore, l'UE se montre plus libérale que les Etats-Unis d'Amérique », a-t-il lancé.
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mercredi 26 janvier 2011 - 14h30
Le libéralisme est bien ancré. Il sera bien difficile de lutter contre le lobbying de certains pays a l'égard de la Commission européenne. Mr Sarkozy peut brasser du vent tant qu'il veut et faire semblant .Il est clair que la transparence sera de bon aloi mais encore faut-il que les Etat Membres veuillent faire le vide sur les pratiques immorales sur des matières premières nobles