L'Autorité de la concurrence condamne pour entente des industriels de la volaille à 15,2 millions d'euros d'amende, et force la main à la filière pour qu'elle se structure.
« Il ne s'agit pas là d'un cartel, mais d'une entente. » C'est ainsi que Bruno Lasserre, le président de l'Autorité de la concurrence, a introduit le point de presse qu'il a réuni le 6 mai à Paris. Ce dernier rendait publique la sanction dont écopent 21 entreprises et 2 organisations professionnelles visée par l'enquête. « Les industriels n'ont pas respecté les règles du jeu, en utilisant leur association professionnelle qu'est la Fédération des industries avicoles (FIA) pour discuter de leur stratégie de prix, martèle Bruno Lasserre. C'est interdit, et la quasi-totalité d'entre eux le reconnaissent. »
La nuance est de taille, et l'Autorité de la concurrence semble y tenir. Pourquoi ? Elle estime que ces réunions, qui n'étaient pas secrètes, représentaient davantage une « concertation en vue de réduire l'incertitude dans les négociations commerciales » entre 2001 et 2007. Sans excuser pour autant l'attitude des entreprises, elle insiste sur les difficultés économiques de nombre d'entre elles.
L'amende s'élève à 15,2 millions d'euros. C'est moins que les sanctions habituellement appliquées, mais cette faveur n'est pas gratuite. « La sanction est nécessaire mais ne suffit pas, estime Bruno Lasserre. Cette affaire appelle à une autre réponse, qui reste à construire. Nous sommes convaincus que ce qui s'est passé entre 2001 et 2007 est la conséquence du dysfonctionnement d'une filière qui n'a jamais voulu jouer collectif. Par ces réunions illicites, les entreprises ont paradoxalement voulu de manière sauvage combler le vide d'une interprofession qui n'existe pas vraiment. » L'Autorité de la concurrence donne trois ans à la filière pour plancher sur le sujet. Faute de quoi, une autre amende pourrait grignoter encore 5 % du chiffre d'affaires des entreprises.
Une décision plutôt bien accueillie
La condamnation prononcée par l'Autorité de la concurrence a suscité la réaction des différents syndicats. Ces derniers sont dans l'ensemble plutôt rassurés par les conclusions, qui prennent en compte les difficultés subies par la filière avicole, ballotée depuis plusieurs années entre grippe aviaire, baisse de compétitivité et hausse du prix des céréales.
La FIA (Fédération des industries avicoles) rappelle dans un communiqué de presse que la majorité des réunions « ont toujours été organisées au su de tous », écartant une fois de plus le terme de « cartel ». Elle précise aussi que ces réunions portaient en partie sur les difficultés de la filière, afin d'enrayer une brutale chute des prix et préserver la contractualisation. Soulagée que l'Autorité de la concurrence considère que l'origine du grief réside dans le déséquilibre de la filière, la FIA estime toutefois que les 15,2 millions d'euros représentent une « sanction économique significative pour les entreprises de la filière. »
Quant à la FNSEA, elle se félicite du « discernement » et du « pragmatisme » dont « l'Autorité de la concurrence fait preuve [...], réduisant fortement le montant de l'amende ». Elle souligne avoir dénoncé les sanctions infligées aux paysans et aux opérateurs qui cherchent à s'organiser, tandis que les enseignes se regroupent en quatre centrales d'achat. Elle souhaite que la filière, « vulnérable et en pleine reconstruction », puisse partir à la reconquête du marché français et se moderniser.
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