Labouré-Roi, une des principales maisons de négoce en vins de Bourgogne, se trouve au cœur d’une vaste affaire de fraude présumée à la coupe et sur l’étiquetage qui inquiète l’ensemble de la profession bourguignonne. « Six responsables de la société ont été entendus sous le régime de la garde à vue » la semaine dernière, a indiqué le procureur de la République de Dijon, Éric Lallement, lors d’une conférence de presse organisée le mercredi 13 juin 2012.
« On peut en déduire, au nombre de bouteilles concernées, qu’il s’agissait d’un système organisé et de manière assez régulière », a ajouté Éric Lallement, précisant que l’enquête n’était « pas terminée ».
La fraude à la coupe, également appelée « fraude sur les appellations », porte sur « 500.000 bouteilles » pour une valeur de « 2,7 millions d’euros ». Il s’agissait, par exemple, pour cette société, d’effectuer des coupages d’appellations dans des proportions supérieures aux 15 % autorisés pour les vins de Bourgogne ou de « rajouter du vin de table ».
L’autre moyen de tromperie, à l’étiquetage, concerne 1,1 million de bouteilles dont la valeur n’a pas été estimée. « S’il y avait une rupture de stock de Meursault 2008, le Meursault 2010 était transformé en 2008 sur l’étiquette », a détaillé le représentant du parquet, qui a également évoqué le fait d’« ajouter la mention vieilles vignes » sur ce qui n’en était pas.
« Ce qui a attiré l’attention des enquêteurs, c’est le très faible différentiel sur les manquants », selon le procureur. Conduite par la gendarmerie et les services de lutte contre la fraude, l’enquête porte sur une période de trois années allant de 2006 à 2008.
Lors de leurs auditions, les responsables de l’entreprise, dont les dirigeants Louis et Armand Cottin, âgés de 81 et 82 ans, ont « reconnu les faits » tout en les mettant « sur le compte d’erreurs matérielles ou informatiques ». Pour l’heure, aucune mise en examen n’a été prononcée et il n’y a pas eu d’ouverture d’information judiciaire, ni de qualification retenue, a indiqué le parquet.
Le code de la consommation punit la tromperie sur l’origine ou la qualité d’un produit d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 37.500 euros.
« Cette affaire a jeté un trouble dans la profession. L’image du vin de Bourgogne s’en trouve altérée », a jugé le procureur de la République. Les différents acteurs de la filière viticole bourguignonne ont d’ailleurs décidé de se réunir vendredi pour aborder cette affaire, a indiqué Michel Baldassini, président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
« On ne peut pas cautionner ce genre de pratiques. Si les faits sont avérés, on se portera partie civile au procès », a-t-il ajouté.
Un peu plus tôt dans l’après-midi, Armand Cottin, le directeur général délégué de Labouré-Roi, a affirmé lors d’un point de presse qu’il n’y avait « pas eu de volonté de fraude ». « Nous avons toujours fait des bons vins. Nous sommes trois ans après la fin de la période contrôlée et on se rapproche aujourd’hui d’un taux d’erreurs proche de zéro. La direction a assumé et assumera la situation », a-t-il déclaré, sans vouloir expliquer le terme « erreur ».
« Bien sûr ! je crains des réactions des fournisseurs, des clients, des banques. Il faut être prêt à tout », a conclu M. Cottin, souhaitant que « la société perdure pour sauver les soixante-dix emplois. »
La société vend « 10 millions de bouteilles par an » et réalise quelque « 35 millions d’euros de chiffre d’affaires » annuel, a-t-il ajouté. Fondée en 1832, la maison Labouré-Roi a été transmise en 1974 aux frères Cottin. Elle figure aujourd’hui parmi les « dix premiers négociants de la Bourgogne », selon l’interprofession. L’action de la société cotée en bourse était en chute de 36,36 % à la clôture du marché à 3,50 euros.