Interbev a lancé le 20 mai un message d'alerte à l'attention des responsables politiques et des consommateurs concernant les négociations en cours d'un accord de libre-échange entre l'Amérique et l'Union européenne (UE). L'interprofession du bétail et de la viande veut les sensibiliser aux conséquences que pourraient avoir sur la filière française l'entrée d'un contingent conséquent de viande bovine avec des droits de douane nuls.
« La Commission européenne négocie dans la plus grande opacité, a dénoncé Dominique Langlois, le président d'Interbev, à l'occasion d'une conférence de presse à Paris. Sa feuille de route est inconnue des parlementaires européens. Des discussions avec les Etats-Unis ont lieu cette semaine, juste avant les élections européennes, alors qu'on ne connaît toujours pas précisément les détails de l'accord conclu avec le Canada. Ce dernier aurait obtenu 65.000 tonnes de contingent à droits réduits. »
Difficile d'avancer des chiffres concernant ces négociations. Mais l'interprofession redoute que les Etats-Unis et le Mercosur obtiennent un contingent compris entre 300.000 et 600.000 tonnes de viande bovine. Il s'agirait de morceaux nobles, qui viendraient directement concurrencer la production issue du troupeau français de races à viande. Et qui ne seraient pas produits avec les mêmes contraintes sanitaires, environnementales ou encore de bien-être qu'en Europe.
La viande bovine, une « variable d'ajustement »
« Nous sommes inquiets car la Commission européenne ne considère plus la viande bovine comme un secteur d'avenir, reprend Dominique Langlois. Elle est entrée dans une logique de décroissance alors qu'en France nous œuvrons pour stabiliser et relancer la production. La viande bovine ne peut pas être la variable d'ajustement d'un cadre qui dépasse notre secteur. Nous ne pouvons pas accepter de réduire la production et d'augmenter les importations. »
Dans sa campagne, Interbev a aussi choisi de s'adresser au consommateur. Et de lui montrer dans quelles conditions sont élevés les animaux de l'autre côté de l'Atlantique. Hormone, antibiotiques, feedlots, traçabilité... la filière ne manque pas d'arguments pour attaquer l'image de la production américaine. « Nous avons des normes de production draconiennes dans l'Union européenne, avertit Dominique Langlois. Si on accepte d'importer, ces règles ne servent à rien. C'est incohérent. »
Dans cette négociation, ce sont deux modèles de production et de la sécurité sanitaire qui s'affrontent. « On a la naïveté de croire que les Américains vont adapter leurs normes, ironise Jean-Pierre Fleury, le président de la Fédération nationale bovine (FNB). Il n'y a qu'en Europe que l'on pense cela. Le nivellement se fait toujours par le bas. Si ces discussions aboutissent, les éleveurs seront pragmatiques. Ils n'auront pas d'autres solutions que de prendre les charrues et de végétaliser la France. C'est aussi un choix de société. »