La France peut enfin tourner la page de la vache folle. Avec le statut de pays à « risque négligeable » pour l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), elle peut viser de grands marchés internationaux qui lui restaient fermés, comme la Chine et le Brésil.
La décision de requalifier ainsi la France, restée au statut de « risque maîtrisé », a été adoptée par l'assemblée générale de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et vise cinq autres pays (Chypre, République tchèque, Irlande, Liechtenstein et Suisse), a annoncé mercredi à la presse le président de l'OIE, Bernard Vallat.
Cette décision, au terme d'une « procédure très complexe et très lourde », entrera en vigueur le 30 mai après son adoption formelle en assemblée plénière. Elle revêt d'importantes conséquences commerciales car de nombreux pays n'acceptent des importations de viande et de bétail qu'en provenance de pays du même statut.
« Du pain béni » (FNB)
La bonne nouvelle était attendue par les éleveurs : « C'est du pain béni ! », s'exclame Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB), joint par l'AFP. « Ça nous redonne accès à des marchés qu'on avait perdus depuis longtemps comme le sud-est asiatique, et ce alors que la demande mondiale en produits carnés est sans précédent ».
Le ministère français de l'Agriculture s'est également félicité, estimant dans un communiqué qu'il « s'agit du meilleur statut sanitaire possible pour cette maladie, réservé aux pays qui ont démontré une parfaite maîtrise et dont l'âge de naissance du dernier cas d'ESB connu remonte à plus de 10 ans », soit avril 2004 dans le cas de la France.
Pour le ministre, Stéphane Le Foll, c'est la « reconnaissance mondiale de la sécurité sanitaire des produits issus de la filière bovine française. Je demande aux pays qui maintiennent encore un embargo sur les exportations de cette filière d'y renoncer désormais très rapidement », lance-t-il.
C'est le cas du Brésil, de l'Argentine, l'Arabie Saoudite, Taiwan, l'Afrique du Sud, Botswana, Mali, Ouganda, Corée du Sud, Irak, Syrie, Qatar, ainsi que du Japon, du Vietnam et de Singapour pour les viandes issues de bovins de plus de 30 mois, indique le ministère.
Interdiction des farines « cannibales »
Les professionnels avaient déjà obtenu en octobre, au niveau national, la levée des tests de dépistage de l'ESB sur les animaux nés depuis 2002, considérés par la filière comme un frein à l'exportation. Ce dépistage avait été rendu obligatoire en 2001, en pleine épidémie, et contraignait à retenir les carcasses 24 heures après abattage, le temps d'obtenir les résultats des analyses.
Apparue au Royaume-Uni dans les années 1980, l'ESB s'était étendue à de nombreux pays en Europe et dans le monde à cause de l'utilisation de farines animales contaminées. Suspectée d'être à l'origine du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l'homme, elle avait suscité l'inquiétude des consommateurs et entraîné une grave crise dans la filière bovine.
Tandis que des bûchers s'allumaient à travers l'Angleterre pour éliminer les carcasses souillées ou présumées telles, et que des élevages entiers étaient condamnés, certains produits bovins – les abats en particulier – avaient été boycottés et frappés d'embargo à l'exportation.
Pour en finir avec l'ESB, il a fallu en passer par ces « mesures radicales », rappelle le ministère. Principalement l'interdiction des farines « cannibales », constituées de protéines issues d'autres ruminants.
« Aujourd'hui, l'ESB classique a pratiquement disparu de ce monde », affirme Bernard Vallat : « On ne trouve plus que des cas d'ESB atypique, sur de vieilles vaches, environ un cas sur un million, mais elle a toujours existé et les quelques pays qui la recherchent et la trouvent sont pénalisés. »
Le retour de certains abats
C'est notamment le cas de l'Allemagne. Avec le Royaume-Uni ce sont les deux seuls pays de l'Union européenne qui conservent le statut de « risque maîtrisé ». L'Allemagne au moins pourrait cependant en changer rapidement, peut-être l'an prochain, selon Karine Schwabenbauer, présidente de l'assemblée des délégués.
Enfin, ce nouveau statut libère aussi certaines parties à la consommation, des abats notamment qui pourront désormais servir à la confection des saucisses traditionnelles.
Au cours de son assemblée générale annuelle à Paris, son siège, l'OIE a également élu sa nouvelle présidente, Monique Eloit, actuelle vice-présidente, qui succèdera à Bernard Vallat le 1er janvier 2016.