Sol et civilisation, association dont le but est de réfléchir hors des cadres institutionnels et innover dans les territoires, a fêté ses vingt ans cette semaine. Elle a été créée dans la foulée du spectaculaire rassemblement initié par Raymond Lacombe, « Dimanche des terres de France », qui avait réuni plus de 300.000 paysans à Paris le 29 septembre 1991.
Mais les territoires ruraux ont-il encore une identité propre ? Selon Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, territoires urbains et ruraux se complètent et se prolongent. Philippe Perrier-Cornet de l'Inra abonde dans le même sens : aujourd'hui, c'est l'étalement urbain qui a revitalisé les territoires ruraux.
La démographie se redresse dans les trois quarts des territoires ruraux grâce à la migration des jeunes couples vers des zones constructibles plus abordables. Leur venue stimule l'économie résidentielle (commerce artisanat, santé). Philippe Perrier-Cornet note aussi que 35 % des ouvriers, souvent les moins qualifiés, vivent en milieu rural.
Les territoires ruraux devraient davantage leur dynamisme à l'accueil de « HLM horizontaux », selon Pierre Veltz en charge de l'établissement public de Paris-Saclay. Tout juste leur concède-t-il le rôle de « clairière » de respiration pour des villes asphyxiées.
Cette vision qui réduit le territoire au rôle d'accueil pour l'étalement urbain, a pourtant été battue en brèche par les initiatives rapportées lors de ce colloque : un territoire, plus qu'un lieu géographique, est un lieu de vie, de projets, de propositions alternatives à une ville oppressante et un lieu d'utopie.
Le directeur de Sicaseli (Lot) a raconté comment sa petite coopérative pourtant vouée à la disparition il y a dix ans, emploie aujourd'hui douze salariés et a créé trois boucheries qui salarient sept bouchers.
Claire Bolduc, présidente de Solidarité rurale du Québec, a insisté : « Nos milieux ne sont pas seulement source et ressource. On les habite, ils nous habitent. Il y a des villages prospères là où un leader (homme d'affaires, élu, artiste, agriculteur) fait preuve d'inventitivité. Notre association québécoise est très militante. Nous avons poussé à l'établissement d'une politique nationale rurale avec agents de développement, développement de compétence et de recherche et budget souple d'utilisation. Le plus grand danger ce sont nos institutions : ce sont leurs échecs que nous vivons car ils ne veulent pas perdre leur influence. »
« Le territoire est un enjeu de civilisation. Nous devons nous le réapproprier », a conclu Jacques Delors.