Dans un document intitulé « Le nouveau paysage mondial du soutien à l'agriculture » publié le 3 juillet 2015 par la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (Farm), Jean-Christophe Debar se penche sur les distorsions engendrées par les soutiens des Etats à l'agriculture.
Le premier constat qui ressort de ce rapport est une convergence des niveaux de soutiens à l'agriculture entre pays développés et pays émergents. L'Estimation du soutien aux producteurs (ESP), qui correspond aux soutiens directs et indirects apportés aux producteurs selon les chiffres de l'OCDE, représente aujourd'hui 14 % des recettes agricoles pour ces deux groupes de pays. A titre de comparaison, en 2000, l'ESP représentait plus de 25 % des recettes agricoles des pays développés contre moins de 6 % dans les économies émergentes.
Plus d'aides générant des distorsions dans les pays émergents
Les auteurs se sont plus particulièrement intéressés à la partie des aides pouvant générer des distorsions sur les marchés mondiaux, notamment les aides couplées à la production et aux prix. Il s'avère que les pays développés ont réduit de moitié la part de ces aides dans l'ensemble des soutiens apportés aux producteurs. A l'inverse, les aides couplées sont passées de 0 à 87 % du soutien total dans les pays émergents entre les périodes 1995-99 et 2010-12. Ces chiffres ne comprennent pas l'Inde qui soutient son agriculture via des aides à l'achat des intrants, considérée généralement comme générant des distorsions.
Pour Farm, le résultat de ces différents changements se traduit par un « soutien à l'agriculture dans les pays émergents qui est aujourd'hui supérieur de 36 %, en valeur, à celui des pays à haut revenu ». Les conséquences sont la montée en puissance de l'agriculture de ces pays. Le rapport préconise que cette puissance « est une responsabilité accrue, qui devrait se traduire par une approche plus coopérative dans les efforts de régulation multilatérale des politiques et des échanges agricoles » des Etats en voie de développement.
Economique ou géopolitique, deux approches possibles
Le document stipule également que les changements qui s'opèrent actuellement sur l'échiquier mondial des échanges agroalimentaires peuvent s'analyser sous un angle économique ou géopolitique. Pour les auteurs, ces deux aspects doivent être pris en compte afin « d'éclairer la complexité de la réalité et permettre d'élaborer un cadre d'analyse pertinent pour l'action publique ».
L'ESP des pays les moins avancés, notamment de nombreux Etats africains, n'est pas analysée dans le document de Farm. Dans ces pays, le soutien à l'agriculture « reste encore très en deçà de celui octroyé dans les pays émergents et les pays à haut revenu ».