Le mercredi 27 juin 2013 à 18 heures, au Parlement européen (PE) à Bruxelles, le président de la commission agricole (Comagri) du PE, le président irlandais de l'UE et le commissaire européen à l'Agriculture, ne cachaient pas leur satisfaction d'être parvenus à un accord sur la réforme de la Pac 2014-2020.
Si la négociation n'est parfaite pour personne, tout le monde y retrouve le reflet de son mandat. Le Parlement est particulièrement satisfait de la prise en compte de ses positions sur les jeunes agriculteurs, la convergence interne, la redistribution des aides, le verdissement ou encore le développement rural. Il se félicite également d'avoir obtenu gain de cause sur l'une de ses lignes rouges : pas de double paiement pour une même pratique.
Sur l'OCM unique, l'eurodéputé Michel Dantin est content que les outils soient enfin en place pour permettre aux producteurs de se regrouper et d'engager la négociation de manière collective. Des outils qui seront déclinés selon la volonté des Etats. « Il reste aux producteurs à prendre les choses en main pour faire vivre les outils en place », a-t-il déclaré ajoutant que « par rapport à la précédente réforme où le marché devait tout régler, c'est un véritable changement de cap ».
Sur la gestion de crise, des capacités d'action ont été données à la Commission pour réagir rapidement. « Les agriculteurs peuvent avoir la certitude qu'ils ne seront pas abandonnés en rase campagne par la puissance publique », s'est-il félicité.
Le président irlandais de l'UE, Simon Coveney s'est également dit très satisfait de l'accord conclu entre les trois institutions. Il a rappelé que c'était le résultat d'un processus politique engagé il y a deux ans, et technique, il y a quatre ans. Il a également souligné la difficulté de l'exercice dans le nouveau cadre de la codécision, tout en se félicitant que ce véritable défi politique ait permis de dégager un compromis. Il n'a pas caché que sur certains sujets, comme les marchés, « trouver un accord a été un véritable jeu d'équilibriste au sein des deux institutions ».
Pour le commissaire européen à l'Agriculture, Dacian Ciolos, « nous sommes au début d'un changement de paradigme » : le texte est orienté vers le public en légitimant les soutiens aux agriculteurs ; il a permis de passer d'un rôle fort de l'autorité publique vers un rôle fort des organisations de production sur les marchés ; il met en valeur la durabilité de l'agriculture avec la production de biens publics par exemple. « C'est aussi un changement de paradigme par le fait que nous avons fait le choix assumé de la discrimination positive, notamment vers les jeunes agriculteurs », a souligné Dacian Ciolos.
Au-delà de ce satisfecit général, les députés ont dénoncé une « attitude pas correcte de la part des Etats membres » de mettre certains points de la négociation dans le cadre du débat sur les perspectives financières de l'UE alors qu'ils relèvent de la codécision et de la Pac. C'est notamment le cas du plafonnement, de la convergence externe des aides et des transferts de fonds entre les deux piliers de la Pac.
« C'est un problème d'interprétation du traité de Lisbonne », a souligné Simon Coveney, qui espère trouver une solution institutionnelle. Sinon, l'affaire sera du ressort de la justice. Le PE garde l'espoir que la copie pourra être revue par le Conseil (les Etats) et que la codécision pourra s'appliquer. Dans l'attente, il a refusé de négocier sur la dégressivité des aides car pour lui, la question est intimement liée au plafonnement.
« Nous ne pouvons pas discuter d'une question non négociable », a regretté Paolo De Castro, à qui Simon Coveney a rétorqué « ne pas pouvoir aller à l'encontre des décisions des chefs d'Etat ». L'Irlandais a néanmoins rappelé que dans la négociation, des gestes avaient été faits vers le PE sans attendre une clarification du Traité, notamment en permettant à l'institution d'intervenir en codécision sur la fixation des seuils de référence (mais pas des prix d'intervention), sur le quota sucre ou encore l'application de la discipline financière.
Malgré cette guerre de pouvoir entre le Parlement et le Conseil, les eurodéputés ont accepté le compromis. « Il fallait être réaliste, a expliquait Michel Dantin. Nous aurions pu tout bloquer mais nous ne sommes pas là pour nous-mêmes mais pour les agriculteurs. C'est le bon sens qui l'a emporté sur l'égo institutionnel. » Seul José Bové, le vice-président de la Comagri du PE s'est désolidarisé de ses collègues estimant que le PE s'était couché sous la pression des libéraux, notamment sur les instruments de marché, et que le Conseil n'acceptait pas la codécision. Le PE a néanmoins rappelé que le vote en plénière n'était prévu qu'en octobre et que la réforme de la Pac ne serait officiellement validée à cette occasion que si le budget global de l'UE était arrêté et satisfaisant.