Un accord était en vue, le vendredi 6 décembre 2013 dans la soirée, à la réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) après le ralliement de l'Inde, dont l'opposition menaçait jusqu'alors toute entente sur la libéralisation des échanges et le devenir même de l'OMC.
« Oui », a déclaré le ministre indien du Commerce, Anand Sharma, à la question de savoir s'il allait signer un accord sur l'île indonésienne. « Je l'approuve » , a-t-il ajouté en sortant d'une réunion où lui a été présenté un nouveau compromis. « C'est une décision historique. Non seulement pour l'Inde mais pour tous les pays en développement et les pays pauvres. C'est une victoire pour l'OMC, pour le monde », a-t-il clamé.
L'accord présenté à l'Inde doit encore être approuvé officiellement par les 158 autres Etats membres de l'OMC mais il aurait déjà été entériné par les Etats-Unis, jusqu'à présent réticents, selon une source proche des négociations. M. Sharma et son homologue américain, Michael Froman, se sont pris dans les bras à la sortie de la réunion, visiblement soulagés de la fin du blocage.
L'Inde s'était jusqu'à présent opposée à plusieurs offres de compromis qui lui avaient été présentées, rendant ainsi plus qu'incertaine la conclusion d'un accord sur l'île indonésienne de Bali, jugé capital pour relancer les négociations sur l'ouverture des échanges mondiaux, paralysées depuis douze ans. De nombreux responsables ont également souligné qu'un échec à Bali aurait menacé jusqu'à l'existence même de l'OMC, voire de l'ensemble du multilatéralisme.
La ministérielle, qui devait se terminer vers 15h00 locales (07h00 GMT), a dû être prolongée pour permettre d'ultimes tractations afin de convaincre New Delhi d'assouplir sa position.
Agriculture : engagement renouvelé à réduire les subventions à l'exportation
L'Inde exigeait que soit aboli le plafond imposé par l'OMC aux subventions agricoles dans le cas où elles serviraient à la mise en œuvre de programmes alimentaires. New Delhi, disant parler au nom des 46 pays en développement du G33, veut en particulier offrir à prix artificiellement bas des denrées alimentaires de base à près de 800 millions de pauvres.
Derrière les apparences humanitaires, les critiques accusent l'Inde de prendre en otages les discussions à l'OMC pour des visées électorales : le gouvernement indien est en difficulté dans les sondages à l'approche d'un scrutin national.
La demande indienne a suscité la ferme opposition des Etats-Unis en particulier, mais également de pays du Sud, comme le Pakistan, qui craint de voir des produits agricoles indiens subventionnés inonder son marché.
Le conflit a bloqué des mois de prénégociations à Genève au niveau des ambassadeurs, puis quatre jours de nouvelles discussions à Bali entre les ministres. Mais, après plusieurs offres de compromis rejetées par l'Inde, une nouvelle solution lui a été présentée vendredi dans la soirée.
Selon le projet dl'accord, dont l'AFP a obtenu une copie, il est prévu qu'aucune sanction ne soit recherchée contre les pays qui dépassent le plafond de subventions pour un programme de sécurité alimentaire jusqu'à ce qu'une « solution permanente » soit trouvée lors de la onzième réunion ministérielle de l'OMC, qui doit théoriquement intervenir dans quatre ans. En contrepartie, les pays qui voudraient constituer des « stocks à des fins de sécurité alimentaire » doivent s'engager à ne rien faire qui puisse « fausser le commerce », une allusion au dumping à l'exportation.
Le « paquet de Bali », un ensemble de mesures a minima surnommé un « Doha light », représente moins de 10 % du vaste programme d'ouverture des échanges commerciaux qui avait été lancé en 2001 dans la capitale du Qatar. Il regroupe trois volets :
• l'agriculture (avec un engagement renouvelé à réduire les subventions à l'exportation),
• l'aide au développement (prévoyant une exemption accrue des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés),
• et la « facilitation des échanges », qui ambitionne de réduire la bureaucratie aux frontières.
Le directeur de l'OMC, Roberto Azevedo, a évalué à 1.000 milliards de dollars la richesse que le « paquet de Bali » créerait avec, à la clef, des millions d'emplois.
De nombreux responsables ont averti qu'un nouvel échec à Bali, après quatre réunions ministérielles vaines depuis le lancement du cycle de négociations de Doha, sonnerait le glas de l'OMC, au moins sous sa forme actuelle, voire du multilatéralisme en général.